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avancé, ou retardé. Le premier printemps voit naître & fleurir la jacinthe dans nos jardins, le narcisse dans nos prés, le muguet dans nos bois, &c. &c. ; enfin chaque plante a son époque déterminée en raison de la chaleur ambiante de l’atmosphère. Chaque saison, chaque mois, & l’on pourroit presque dire chaque semaine fait éclore de nouvelles graines ; mais jamais, à moins qu’il ne survienne des cas extraordinaires, leur végétation n’est transportée d’une saison à une autre. De-là naît cette heureuse variété de plantes & de fleurs qui parent nos campagnes, même au milieu de l’hiver ; le taraspic, le laurier-thym, les ellébores, le perce-neige, &c. en sont la preuve. Or, si chaque végétal est soumis à une loi qui lui est propre, le froment ne doit donc obéir qu’à la sienne & ne pas faire une exception à la loi générale de la nature. En effet, que l’on parcoure, dans les mois de juillet, août & septembre, un champ couvert du chaume de la récolte précédente, on ne verra pas germer les grains tombés des épis pendant la moisson. Mais pour peu qu’il survienne de pluie au milieu de septembre ou au commencement d’octobre, chaque grain germera & se hâtera de paroître. On doit bien concevoir que les époques qu’on vient d’indiquer, dépendent beaucoup du canton, & il n’en est pas moins vrai que la germination n’aura lieu qu’autant que le degré de la chaleur ambiante sera celui qui convient à l’espèce de grain. C’est donc cette époque enseignée & fixée par la nature, que l’on doit saisir ; c’est encore elle qui a donné lieu aux semailles des fromens marsais, ou printaniers, parce qu’alors le degré de chaleur de l’atmosphère est égal, ou du moins presqu’égal à celui qu’on éprouve communément en septembre ou au commencement d’octobre.

Ici l’opération de la nature est libre, & elle est forcée quand on sème plus tard ; par exemple, à la fin de novembre ou de décembre, lorsque les circonstances ne permettent pas de semer plutôt ; cependant le froment germe, végète & pousse, & quoique semé beaucoup plus tard que celui du mois d’octobre, il est mûr presqu’aussi-tôt, parce que les plantes, à peu près comme les animaux, ont un certain nombre de jours pour la gestation, c’est-à-dire, avant de parvenir à leur maturité ; mais ce qui détermine cette gestation dans le végétal, est le degré de chaleur de l’atmosphère : par exemple, semez des épinards, des chicorées, &c. pendant l’été & dans les pays chauds, ils monteront en graine presqu’en sortant de terre ; il en est de même de toutes les plantes. Ainsi, en partant du principe indiqué par la nature, chacun suivant son canton, suivant le climat, on ne craint pas de s’égarer. Il vaudroit même mieux devancer l’époque des semailles de quelques jours, que de la retarder. Veut-on une preuve complète de ces assertions, il suffit d’examiner comment on sème dans les pays situés au nord de l’Europe. Il faut que dans cinquante à quatre-vingts jours les champs soient cultivés, le grain jeté en terre, qu’il végète, qu’il mûrisse & qu’il soit coupé. En France on n’obtiendroit pas de semblables