Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sieurs fois de suite avant l’hiver dans de bonnes terres & bien cultivées, reprendroient bientôt la forme & la grosseur des grains de blés hivernaux, puisqu’il est bien démontré qu’une plante qui reste quatre ou cinq mois de plus qu’une autre en terre, y fructifie beaucoup mieux. En effet, quelle différence ne fait-on pas, soit pour la pesanteur, soit pour la grosseur, du grain de l’avoine semée en septembre, ou en janvier, ou en mars, &c. Plus le pays est ou naturellement froid, comme les montagnes, ou chaud, comme nos provinces méridionales, & plus la différence est sensible ; car ces extrêmes se tiennent.

Je ne veux pas dire pour cela qu’il faille également & dans le même temps, semer les blés hivernaux & printaniers ; ces derniers sont des espèces jardinières dégénérées des premières ; on doit donc les traiter suivant leurs besoins actuels, & il est constant que la récolte des blés hivernaux semés au printemps sera mauvaise, parce que l’espèce n’a pas encore pris son caractère fixe de dégénérescence ; mais à la longue elle le prendra, de même que les printaniers redeviendront hivernaux.

M. von-Linné, dans l’énumération des espèces décrites dans la première section, n’a point parlé du blé connu sous les noms de Barbarie ou de Smyrne, ou de miracle, ou d’abondance, & que Bauhin désigne par cette phrase, triticum spicâ multiplici. Il diffère des autres fromens par sa tige plus forte, ses feuilles plus longues, & sur-tout par ses épis rameux, c’est-à-dire, qu’au bas de l’épi général il en sort de nouveaux, au nombre de trois, quatre, & quelquefois jusqu’à six, ce qui forme, pour ainsi dire, une espèce de gerbe. Olivier de Serres, que je cite toujours avec plaisir, dit : « Il produit un grand espi plat, de chacun costé duquel sortent trois ou quatre petits espis avec leur queue courte, faisans ensemble comme un gros bouquet porté par un seul tronc : mais pour sa rareté, le ménasger n’en peut faire état certain, bien que désirable pour son grand rapport. Ce froment a rendu chez moi quarante pour un, semé dans un jardin ; employé en terre commune, douze à quinze. Quant à son service, il fait pain très-bon & fort savoureux, mais non si blanc comme l’autre bled, parce qu’ayant la pelure du grain, qui est assez gros, fort déliée, difficilement peut-il se moudre grossièrement, comme est requis pour faire que le pain soit bien blanc, ains se convertit presque tout en farine, avec peu de son ; tel défaut revenant néanmoins à la commodité du ménage. »

Il est parlé dans les Mémoires de la Société d’Agriculture de Rouen, Tom. I, pag. 123, d’une espèce de blé venu de Silésie. M. Dumenil-Coste, auteur de l’observation, dit : « L’avantage de l’espèce que je propose aujourd’hui n’est point sujet à la nielle, convaincu de ce fait par l’expérience que j’en ai faite en le cultivant. Ce blé est moins sujet à verser, sa paille étant pleine de moelle, elle obéit aux coups de vents, & fléchit comme le jonc. Les Allemands en tirent beaucoup d’utilité ; ils font hacher la paille pendant l’hiver, & ils en nourrissent leurs bestiaux. »