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de l’exposition où l’arbre croîtra. Par exemple, un chêne blanc qui croîtra dans l’exposition du nord, fournira toujours un mauvais bois à brûler, du mauvais charbon & du mauvais bois pour la charpente. Le même arbre planté dans un terrain humide, ou dans la plaine, ou sur un coteau, offrira trois qualités de bois différentes. Celui des bas-fonds aura des fibres lâches ; celles de l’arbre de la plaine ne sont pas aussi serrées que celles de l’arbre du coteau, & le meilleur pour l’usage quelconque, sera ce dernier ; voilà quant au sol. Le même chêne réussira très-bien dans l’intérieur du royaume, il sera plus mou dans le nord, se durcira en approchant du midi, & planté ou semé dans les expositions chaudes de nos provinces méridionales, il ne paiera pas les dépenses occasionnées par son semis ou par sa plantation.

Il en est ainsi du chêne vert, relativement à nos provinces du nord, & même de l’intérieur du royaume. L’hiver de 1709 les fit presque tous périr en Provence, en Languedoc, &c. Que peut-on donc espérer d’un pareil arbre dans le nord ? Il y a plus ; j’ignore si avant cette fatale époque les chênes verts y formoient de grands arbres, mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’aujourd’hui on n’y trouve presque plus un arbre de cette espèce, capable de donner du bois de charpente, tandis qu’en Corse, en Italie, on en voit des forêts entières, & ces arbres sont de la plus grande beauté & de la plus belle élévation : les menuisiers, charpentiers, &c. éprouvent tous les jours en travaillant, que des chênes sont doux ou de rebours, gras ou durs, & ils disent que ces chênes sont d’espèces différentes ; en cela ils se trompent ; ces différences proviennent toujours de la végétation de l’arbre, suivant l’exposition & le sol où il a été planté. Consultez le mot Chêne pour connoître les espèces & les variétés de cet arbre précieux. Ce que je dis du chêne s’applique également à tous les arbres forestiers : on s’efforceroit vainement à cultiver l’aune (voyez ce mot) dans un terrain sec : il en est de même de tous les bois blancs en général ; quelques-uns font exception à cette règle, mais le nombre en est petit.

Celui qui désire avoir des forêts, doit commencer, avant de donner le premier coup de pioche, à examiner quelle espèce d’arbres réussit le mieux dans le pays, & quelle est celle dont le débit est le plus facile & le plus lucratif. Près des grandes villes l’orme & le frêne sont précieux pour le charronnage, le chêne pour la menuiserie & les bâtimens ; les outils d’agriculture sont presque tous tirés du hêtre, & les sabots, dont la consommation est prodigieuse, sont de ce bois ; les pins font une excellente menuiserie, sans parler de la poix qu’on en retire ; le sapin est un des arbres les plus précieux, & tout le monde connoît son emploi ; le peuplier noir & l’ypreau ont le plus grand mérite dans les provinces où le chêne & le sapin sont rares ; son bois fait une jolie menuiserie ; & le but d’une plantation de forêt doit donc être tourné vers l’objet le plus lucratif, sur-tout lorsque l’on travaille en grand. Il est bien permis, & il est même avantageux que des amateurs essayent de naturaliser différentes espèces de