Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

humectera de temps en temps avec de l’eau tiède, ou les tenir dans une cave humide, avec le soin de les tourner & retourner souvent. Observez sur-tout que les vases & les planches dont on se servira, ne soient pas de pin, de sapin, ou d’autres bois résineux, parce qu’à coup sûr le fromage en contracteroit bientôt le goût & l’odeur.

CHAPITRE V.

Du ver du Fromage.

Le célèbre Redi s’est fort occupé de l’histoire de ce ver, & après lui Swammerdam est entré dans les plus grands détails sur sa conformation, tant intérieure qu’extérieure : ceux qui désireront de plus grands détails, peuvent consulter les Ouvrages de ces deux illustres & patiens naturalistes.

Ce ver est représenté dans sa grandeur naturelle, (Pl. VI, Fig. A, 1) & vu au microscope dans la même planche. (Fig. B, 2) Ce n’est point le fromage qui engendre ce ver, ainsi que plusieurs personnes le pensent. L’œuf dont il sort est déposé par une mouche que M. von-Linné appelle musca atra glabra, oculis ferrugineis, femorum basi pallidâ ; il est composé de 12 anneaux ; le premier de tous forme proprement la tête du ver ; la peau dont tout son corps est recouvert, est ferme comme du parchemin, & il ne se blesse pas facilement, quelques grands sauts qu’il fasse, ou quelque rudement qu’on le manie. Le devant de la tête est comme partagé en deux tubercules, d’où partent deux antennes fort courtes. Entre ces deux tubercules on voit paroître une particule noirâtre, également fendue en deux, qui forme la bouche.

Ce n’est pas sans raison que ce ver (Fig. B, 2) est représenté vu sur le dos, saisissant sa queue avec ses dents, quoique cette position ne lui soit pas naturelle ; mais cette position donne une idée de la manière dont il exécute son saut très-singulier. Il n’y a qu’à renverser cette figure de manière que ce qui est en haut paroisse en bas, & on aura alors la représentation exacte & naturelle de l’attitude que prend ce ver lorsqu’il se dispose à sauter.

Lorsqu’il veut faire un saut, il commence par se dresser sur son derrière ; les tubercules qui s’élèvent de son dernier anneau lui servent beaucoup à cet effet, parce qu’en les alongeant & les retirant successivement à propos, il peut se tenir en équilibre : ensuite il courbe tout son corps en forme de cercle, & ramenant sa tête vers sa queue, il fait sortir ses deux crochets noirs & recourbés qu’il fait enfoncer avec une célérité admirable entre les deux papilles postérieures de son corps, précisément dans deux petites fossettes qui sont creusées en cet endroit.

Tout ce qu’on vient de dire est fait en un clin d’œil ; le corps de ce ver se contracte avec tant de force, qu’au lieu de la forme circulaire qu’il avoit, il devient d’une forme oblongue, ensuite il s’étend en ligne droite avec un tel effort, qu’on entend craquer les crochets de sa bouche dans le moment qu’il les décroche de la peau de son dernier anneau. De cette manière, ce ver appuyant son petit corps contre du bois, ou de la terre, ou du fromage, & le redressant subitement pour le