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ches horizontales sont inclinées, & pour ainsi dire, d’une seule pièce ; s’il y a une certaine épaisseur de terre par-dessus, les racines s’entrelaceront les unes dans les autres, formeront un seul groupe, & les arbres qui, dans les premières années végétoient avec force, languiront par la suite. On a souvent vu, après de fortes pluies, ou trop longtemps continuées, des masses entières glisser tout d’une pièce sur le champ inférieur, & laisser à nu la couche du rocher. Les eaux, après avoir filtré à travers les racines, & être parvenues au tuf qu’elles n’ont pu pénétrer, se sont ouvert un passage, ont entraîné la terre ; enfin, la masse des racines détachées, le poids des arbres n’étant plus retenu, ils ont été forcés de se séparer du sol, & de glisser avec une force proportionnée à l’inclinaison de la couche. De tels phénomènes ne doivent cependant pas empêcher de couvrir de bois de pareils terrains. Si la nature du rocher est friable, si les gerçures sont perpendiculaires, les arbres y travailleront à merveille, & les racines auront bientôt pénétré dans les scissures.

Il résulte de ces assertions, que les arbres prospèreront à plus forte raison dans les bonnes terres & surtout dans celles qui auront du fond ; mais les destiner à un pareil usage seroit un crime contre la société en général, & une fausse spéculation du propriétaire. Deux cas cependant forment une exception, ainsi que je l’ai déjà dit : ou le trop grand éloignement de l’habitation, ou la difficulté de l’exploitation.


SECTION II.

Des Arbres, relativement aux climats & aux expositions..


Les préceptes généraux ne s’appliquent pas également à tous les climats & à toutes les expositions. On sèmeroit en vain du chêne blanc ou vert dans les sables des provinces méridionales, tandis qu’ils prospèreront dans celles du nord : la chaleur n’y met pas le seul obstacle ; le plus à craindre est l’excessive rareté des pluies ; car, pour peu que ces fables retinssent d’humidité, la végétation y seroit plus rapide que dans celles du nord. On en a vu cent fois l’expérience dans les années pluvieuses. On croyoit alors ses semis sauvés, ses plantations hors de tout danger, mais le ciel devenu d’airain pendant la première ou seconde des années suivantes, tout a péri. Il n’en est pas ainsi dans les climats plus tempérés, ni dans les expositions au nord ; les chaleurs y sont moins fortes, l’évaporation moins rapide & les pluies plus fréquentes. Les troncs des arbres forestiers sont en général plus longs à se former dans le midi que dans le nord, mais leur qualité est bien supérieure, soit pour le chauffage, soit pour la charpente ou pour la marine. En est-il ainsi des arbres plantés soit au levant, soit au midi, soit au couchant ou au nord ? Les deux derniers sont inférieurs aux autres. On observe la même différence pour les mêmes espèces d’arbres plantés dans des terrains secs ou dans un fond légèrement humide, ou humide ou marécageux. La solidité de la fibre dépend du sol, du climat, &