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démontré en physique que le courant d’air produit l’évaporation, & l’évaporation le froid, on pourroit jeter une certaine quantité d’eau dans les caves, & l’évaporation de cette eau produiroit la même fraîcheur que dans les autres. Comme cette expérience est facile à faire, & nullement dispendieuse, je prie ceux entre les mains de qui mon Ouvrage tombera, de vouloir bien s’en occuper, & d’avoir la bonté de m’en communiquer les résultats. Les caves de Roquefort produisent le même effet que celles du Monte Testacio, près de Rome.

On travaille au fromage depuis le commencement de mai, que l’on sèvre les agneaux, jusqu’à la fin de septembre. Hommes, femmes font la traite des brebis deux fois par jour ; vers les cinq heures du matin, & le soir vers les deux heures. À mesure que chaque seau est plein, on le porte dans des granges ou dans des maisons : là, on le coule à travers une étamine ; on le reçoit dans une chaudière de cuivre rouge, étamée en dedans, & on est fort exact à laver les seaux, les couloirs, les chaudières & tout ce qui est employé, avant de s’en servir une seconde fois.

Pour faire la présure, on égorge des chevreaux qui n’ont été nourris que de lait, & on tire de leur estomac la caillette : on y jette une pincée de sel, & on la suspend en l’air dans un endroit sec. Lorsqu’elle est suffisamment sèche, on en met dans une cafetière de terre avec environ un quart de livre d’eau ou de petit lait. Au bout de vingt-quatre heures, la liqueur est suffisamment imprégnée des sels de la caillette, & prend le nom de présure.

Sa qualité influe beaucoup sur la bonté du fromage : elle peut se conserver un mois sans se corrompre ; mais on la renouvelle tous les quinze jours, dans la crainte qu’elle ne devienne trop forte.

On en met dans la chaudière, une dose proportionnée à la quantité du lait ; trop ou trop peu dérangeroit l’opération. Dès que la présure est dans la chaudière ; on remue bien le lait avec une écumoire à long manche, puis on laisse reposer le mélange, & dans moins de deux heures le lait est caillé.

Pour lors une femme se lave les bras, les plonge dans le caillé qu’elle tourne sans interruption en différens sens, jusqu’à ce que tout soit brouillé ; elle croise ensuite les bras, & applique ses mains successivement sur toutes les portions de la surface du caillé, en le pressant un peu vers le fond de la chaudière : au moyen de quoi ce caillé se prend de nouveau, & forme une espèce de pain qui se précipite au fond de la chaudière ; deux femmes alors soulèvent la chaudière pour verser adroitement le petit lait dans un autre vase. L’une d’elles coupe ensuite le petit lait par quartiers avec un couteau de bois, & transporte ces quartiers dans une forme placée sur une espèce de pressoir. La forme ou éclisse est une cuvette de bois de chêne, cylindrique, dont la base est percée de plusieurs petit trous qui ont une ou deux lignes de diamètre. On se sert de formes plus ou moins larges & hautes, selon la grandeur qu’on veut donner au fromage.

En mettant le fromage dans la forme, on le brise & on le pétrit de nouveau ; on le presse autant qu’il est possible, & on en remplit la