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portion que l’homme ; dès-lors, si ce premier besoin de la vie manque ou est insalubre ou corrompu, il est inutile de penser que les bestiaux puissent se bien porter, & par conséquent faire le travail qu’on seroit en droit d’attendre d’eux. De toutes les erreurs, la plus absurde est de penser que plus une eau est trouble, & plus elle engraisse l’animal. (Voyez ce qui a été dit au mot Abreuvoir)

Trois fois par jour faites boire l’animal, soit en été soit en hiver ; plus raisonnable que l’homme, il ne boira pas au-delà de ses besoins ; mais ayez attention, lorsqu’il revient des champs, dans l’été surtout, de le laisser manger tranquillement pendant une heure avant de lui donner à boire.

Certaines eaux, quoique très claires, très-limpides, sont nuisibles à toute espèce d’animal domestique ; dans ce cas, tout est relatif : on connoît plusieurs sources qui occasionnent des coliques, des tranchées affreuses, mais ces eaux contiennent en elles-mêmes des principes métalliques, du cuivre, par exemple, tenu en dissolution, & l’expérience prouve en général, que toutes les sources voisines des mines sont mal-saines… Les eaux trop fraîches produisent des effets funestes, surtout lorsque l’animal est échauffé par le travail, ou son sang allumé par la chaleur : c’est le cas de laisser ces eaux pendant quelque temps exposées à la chaleur de l’atmosphère. Comme tous les fluides tendent toujours à se mettre en équilibre, elles ont dans moins d’une heure acquis le degré de chaleur de l’atmosphère ; cette chaleur seroit trop forte en été, & l’eau ne seroit pas aussi saine qu’elle l’étoit quelques temps auparavant, & elle relâcheroit l’estomac.

Lorsque les chaleurs se font sentir, & surtout dans la canicule, quelques gouttes de vinaigre jetées dans l’eau jusqu’à ce qu’elle soit légèrement acidulée, donneront une boisson saine, qui calmera l’impétuosité du sang, & surtout préviendra & diminuera la putridité des humeurs, si dangereuse & si funeste dans cette saison. Le nitre à petite dose produiroit le même effet, quant à la diminution de l’effervescence, mais je ne crois pas l’un & l’autre d’excellens préservatifs contre les progrès de la putridité une fois commencée ; ils coûtent si peu, que je suis surpris que leur usage ne soit pas plus fréquent.

Ce que j’ai dit sur les effets de l’eau, ou froide, ou tiède, ou chaude, concerne seulement l’animal en santé ; mais dans toutes les maladies inflammatoires, la boisson doit être au moins tiède.

Si on étudioit un peu plus la nature, si on s’attachoit uniquement à aider ses efforts & non à les prévenir ou les contrarier, l’eau simple pourroit être regardée comme une médecine universelle. La domesticité, il est vrai, a beaucoup changé la constitution des animaux ; cependant ils sont beaucoup moins que nous éloignés de leur premier type, & par conséquent ils ont moins de besoins & surtout moins de maladies. Livrés à eux-mêmes, l’eau est presque leur seul remède.