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son sang se décompose, s’enflamme, & l’inflammation & la gangrène ne tardent pas à produire les ravages les plus prompts & les plus affreux ; un seul coup-d’œil jeté sur les eaux de mare, offre une démonstration complète de leur corruption. Que de crapauds, que de grenouilles vivent, fraient & se multiplient dans leur sein ! Qui n’a pas observé cette humeur muqueuse, qui naît d’abord en masse sur les œufs de ces insectes, & ensuite se déroulant peu à peu, ressemble à une corde de plusieurs aunes de longueur. Dès que l’insecte est sorti de son œuf, cette matière s’élève à la superficie de l’eau, s’y putréfie en très-peu de temps, & répand une odeur infecte & marécageuse dans tout le voisinage. Pour exciter cette putréfaction, ce mauvais air, il n’est pas nécessaire que les chaleurs dévorantes se fassent sentir ; c’est dans le mois de mars ou d’avril, & au plutard en mai suivant les climats : voilà de l’eau déjà viciée. Que sera-ce donc dans les mois suivans ? Je cite cet exemple, parce qu’il est sensible aux yeux les moins accoutumés à suivre la marche de la génération des différens êtres. Si on entre dans de plus grands détails, on verra une foule innombrables de petits animaux y vivre, y jouer, y multiplier ; mais comme aucun ne passe d’une métamorphose à une autre sans se dépouiller de son enveloppe, & que ces métamorphoses sont toujours au nombre de deux ou de trois, on doit juger de l’amas prodigieux d’immondices qui s’accumule dans toute eau stagnante ; dès lors quel foyer de putridité ! À cette masse d’animaux dont la dégradation de grosseur va jusqu’à les rendre imperceptibles à la vue, si on ajoute celle que le microscope fait découvrir, on verra, par son secours, que dans la plus petite goutte de cette eau, il existe encore une multitude innombrable d’animalcules dont la vitalité est sans doute soumise aux mêmes loix que celle des insectes plus volumineux. Faut-il chercher ailleurs la cause des épizooties !

Quand même ces eaux stagnantes seroient pures, elles ne seroient pas saines. Le soleil ayant dardé les rayons depuis son lever jusqu’au moment où il disparoit de dessus l’horizon, les échauffe, & à mesure qu’elles s’échauffent, elles perdent une partie de l’air qu’elles s’étoient appropriées, & cet air est ce qui leur procure la qualité si précieuse & si nécessaire à la digestion. L’eau tiède, l’eau chaude pèse sur l’estomac, ralentit la décomposition des alimens, relâche les fibres, tandis que l’eau froide leur redonne du ton & du ressort, & entretient la santé de l’animal. Prenez une certaine quantité d’eau, divisez-la en plusieurs portions, faites en chauffer une au degré 25, l’autre au degré 40 ; enfin, faites bouillir séparément une des portions, plongez un aréomètre, (voyez ce mot) dans l’eau froide & successivement dans toutes les autres à différens points de chaleur, & vous verrez que plus ces eaux approcheront du degré 80, plus elles seront pesantes, par conséquent moins digestives.

L’eau est la seule boisson des animaux, & le fourrage sec est en général leur nourriture ; ils ont donc besoin d’être en plus grande pro-