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Section II.

Qualités Physiques de l’Eau.

§. I. Pesanteur. L’eau, comme tous les corps de la nature, a une certaine pesanteur ou gravité qui varie suivant ses degrés de pureté. Comme les expériences qui déterminent ce degré, sont très-délicates, & que le résultat dépend beaucoup de l’état même de l’air plus ou moins pesant, il n’est pas étonnant que le rapport de la pesanteur spécifique de l’eau n’ait pas toujours été le même ; cependant, en supposant que l’eau de pluie très-pure, pèse comme 1000, cette même eau distillée, sera comme 999 ; celle de la mer, comparée avec la première, comme 1030 ; celle de rivière, comme 1009 ; & celle de puits, comme 999 : mais on doit peu compter sur la pesanteur spécifique de l’eau de puits, & elle n’est pas générale pour toutes les eaux de puits ; il en est même peu qui varient autant que celle-là, en raison de la quantité de sélénite qu’elle contient presque toujours, surtout à Paris, & dans tous les pays où les couches de pierres à plâtre sont communes.

§. II. Fluidité. La fluidité dépendant de la rondeur, de la ténuité des molécules d’un corps, l’eau pure, qui jouit éminemment de ces propriétés, est aussi plus fluide que la plupart des autres liqueurs. Deux causes principales peuvent altérer ou même éteindre tout-à-fait cette qualité : i°. le mélange des substances hétérogènes qui, se combinant avec elle en trop grande proportion, s’opposent au transport mutuel des molécules aqueuses, & les empêchent de couler les unes sur les autres, en remplissant les interfaces & les vides qui les séparent ; 2°. le froid qui, par quelque cause que ce soit, enchaîne, pour ainsi dire, les molécules les unes aux autres, & leur fait prendre une figure déterminée & régulière, d’où il résulte une masse transparente, connue sous le nom de glace. (Voyez ce mot)

§. III. Élasticité. Nous avons observé déjà que les molécules de l’eau étoient solides, & en même temps élastiques. Les molécules élémentaires des corps sont parfaitement élastiques, tant qu’elles sont isolés, indépendantes & abandonnées à elles-mêmes. Elles ne cessent de l’être que lorsqu’elles sont réunies & collées par une espèce de gluten qui les enveloppe tellement, que leur ressort n’a plus d’effet, & dans ce cas, le corps devient un corps dur ; ou bien, lorsque leur ressort naturel est tellement engagé, qu’il peut bien être comprimé, mais sans pouvoir se rétablir dans son premier état ; les corps mous sont dans ce cas. D’après ces principes, les fluides, dont les molécules sont toujours libres, sont donc élastiques, & d’autant plus élastiques que leurs molécules seront plus isolés & plus indépendantes. L’on ne peut donc pas révoquer en doute l’élasticité de l’eau ; non-seulement le raisonnement & l’analogie le démontrent, mais encore l’expérience. L’eau tombant sur elle-même, ou sur un corps non élastique, resaute & se réfléchit. Le jeu des enfans, nommé ricochet, n’est dû qu’au ressort de l’eau ; elle est capable de rendre du son : tel est celui de la pluie tombant sur une masse d’eau. Or, point de corps sonore sans élasticité ;