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que l’époque à laquelle ils germeront & sortiront de terre, est l’époque fixe de la semaille. Je ne sais pas si cette loi est constante pour toutes les plantes, & même je ne le crois pas ; mais l’expérience m’a appris qu’elle est fort étendue. Le noyau de cerise, d’abricot, &c. dont je viens de manger le fruit, mis en terre, ne poussera certainement pas tout de suite malgré les soins que je lui donnerai ; mais il attendra le point de chaleur de l’atmosphère qui convient à sa végétation. Les fèves sont dans ce cas, & en général celles dont le grain est tombé & enterré aussitôt après la récolte sont les plus vigoureuses, les mieux nourries, toutes circonstances égales.

Dans les provinces du midi on sème étalement les fèves en janvier & en février : les premières ne germent pas plutôt que les secondes ; mais elles végètent mieux dans la suite, & le fruit en est plus beau. Dans les provinces du nord on peut encore semer en mars & en avril.

Dès que le plant est de quelques pouces de hauteur, il faut piocheter le sol, & le relever contre le pied. On peut répéter plusieurs fois ce petit labour jusqu’au temps de la fleuraison : la plante bien chaussée produit beaucoup plus ; elle demande à être rigoureusement sarclée. La coutume de beaucoup de jardiniers est de pincer l’extrémité des pousses, de les supprimer dès que la plante est en fleur, parce que, disent-ils, elles amusent la sève : mais cette opération est-elle réellement conforme au vœu de la nature qui ne produit rien en vain ?

Les pucerons souvent attaquent ces plantes, les font languir par l’extravasation de la sève, & s’acharnent au sommet des pousses, parce qu’elles sont plus tendres ; c’est le cas alors de supprimer ces sommités. La blessure que vous ferez sera moins funeste que les piqûres à l’infini des pucerons. J’ai eu des fèves superbes sans pincer, & même plus belles que celles qui avoient été pincées. Il convient, à mesure qu’on pince ces sommités chargées de pucerons, de les jeter dans un panier, & les porter ensuite au feu, afin de détruire l’espèce autant qu’on le peut.

Lorsque l’on aura cueilli en vert les principales gousses, si on coupe les tiges près de terre, on aura une seconde récolte de fèves, sur-tout si on a l’attention de recouvrir cette tige avec un peu de terreau, & de la travailler tout autour. Des auteurs ont conseillé de couper cette tige avant que le fruit soit formé. Quel peut être le but de cette pratique ? Il vaut mieux deux récoltes, ou une seule dans le temps prescrit par la nature, qu’une récolte plus tardive, & toujours moins riche que la première.

On laissera sécher sur pied les plantes destinées à grainer, & on choisira toujours les plus belles pour cet usage. Elles seront arrachées de terre par un temps sec & beau, ensuite battues, & les fèves conservées dans un lieu sec. Elles germent aussi bien à la seconde année qu’à la première.

III. De la culture des fèves dans les champs. On ne pourroit croire, à moins d’avoir vu, la quantité de fèves qu’on sème dans la basse-Provence, dans le bas-Languedoc, &c. & sur-tout dans la Guyenne. Dans plusieurs cantons les propriétaires