& à passer, que par les vents du nord. La raison en est simple ; les vents du sud, relativement à l’intérieur des terres, & les vents de mer pour les vignobles qui sont dans son voisinage, entraînent avec eux beaucoup d’humidité, relâchent les fibres du cep, du sarment, &c. & il monte plus d’eau dans le raisin qu’il ne peut en perdre par la transpiration. Les vents du nord, au contraire, sont secs, hâtent l’évaporation, resserrent les fibres du bois, il monte moins d’eau de végétation, enfin, le raisin mûrit mieux, Il n’est donc pas étonnant qu’il ait plus de goût & plus de parfum. Jusqu’aux fleurs mêmes sont plus odorantes, & chacun connoît l’action de ces vents jusque sur le vin vieux renfermé dans des caves. Dans une automne chaude & sèche, le raisin ne pourrit pas, il achève & complète sa maturité ; mais s’il y a intermittence de pluie & de beau temps, le raisin pourrit, & plus l’intermittence sera fréquente, plus la pourriture sera prompte & complète. Aquosité surabondante & chaleur sont les deux grands accélérateurs de la corruption & de la putridité.
Quoique les circonstances ne puissent pas être les mêmes, par exemple, en Languedoc, en Provence, &c. relativement à la sérénité de l’air & à la chaleur, comparées avec les climats de Lorraine, des environs de Paris, &c. cependant ma proposition reste dans son intégrité ; c’est-à-dire, qu’on doit cueillir le raisin lorsqu’il est parvenu à sa maturité complète quand la saison, la chaleur & le climat le permettent. Heureux les vignerons, s’ils voient souvent la couleur verte de la grappe de leurs raisins, acquérir la -couleur brune !
Ces généralités exigent plusieurs modifications relatives aux espèces de raisins & à la qualité du sol. Par exemple, si dans nos provinces du nord, on cultivoit les mêmes espèces de raisins que dans celles du midi, elles n’y mûriraient jamais ; au contraire, le plant du vrai pineau que j’ai tiré de Bourgogne, & cultive dans le bas-Languedoc, y a acquis sa maturité complète plus d’un mois avant le tarret, raisin très-commun dans ce pays. En général, tous les cépages cultivés dans le nord, sont plus précoces que ceux du sud ; & dans les environs de Paris, on vendange beaucoup plutôt qu’en Languedoc, en Provence, &c. D’où provient cette espèce de contradiction apparente ? c’est que dans le nord on a choisi les espèces qui exigeoient moins de chaleur pour leur maturité, & on a avec raison abandonné la culture des espèces tardives. Dans le midi, au contraire, où la nature & non pas l’art assure la quantité & la qualité du vin, on a planté indistinctement les espèces précoces & les tardives, de manière que les raisins y sont mûrs dès le commencement de septembre, & que d’autres le sont tout au plus au milieu du mois d’octobre ; malgré cela, le vin y est presque toujours généreux, & chez beaucoup de particuliers, il ne se conserve pas. Cette déperdition tient encore à plusieurs autres causes ; ce n’est pas le cas d’en parler ici.
Un propriétaire intelligent dira : Il faut du vin pour ma table, pour la boisson de mes gens, & du vin pour vendre. S’il habite les environs de Paris, il recherchera le cépage qui, année courante, fournit le plus de raisins, pour peu qu’ils mûrissent,