à bout de deviner le procédé dont les italiens faisoient un secret, & après quinze ans de travaux & de peines, il parvint à faire de la faïence. L’usage de la faïence d’abord, le luxe ensuite ; enfin, les alarmes que quelques chimistes modernes ont répandu sur les dangers de l’étain, ont beaucoup diminué l’usage de ce métal, sur-tout pour la vaisselle, & l’ont relégué pour ainsi dire chez les habitans de la campagne, & dans les maisons religieuses, & les grandes communautés ; ce n’est pas cependant qu’on ne l’emploie encore dans la fabrication d’un très-grand nombre d’ustensiles, comme de grands bassins d’étain, des fontaines, de gros flacons ; on s’en sert pour étamer toute la batterie de cuisine faite en cuivre, dans laquelle on prépare tous les jours nos alimens ; les parties intérieures des alambics, leurs serpentins, les mesures employées pour la vente des liquides, &c. &c.
On étoit tranquille sur son usage ; quelques auteurs même, comme le célèbre médecin Schulz, en avoient fait l’éloge, lorsque M. Margrass, fameux chimiste de Berlin, en 1746 & 47, fit imprimer, dans le Recueil de l’Académie de Berlin, deux Mémoires où il démontroit que ce métal contenoit de l’arsenic. L’alarme se répandit bientôt, sur-tout en France, où l’on est extrême en tout & où l’on applaudit, ou bien l’on blâme avec excès long-temps avant que d’avoir examiné & réfléchi sérieusement. On commença par proscrire l’étain ; on proposa de tous côtés de nouveaux mélanges métalliques, de nouvelles préparations, de nouveaux étamages ; l’alarme & la terreur augmentèrent en raison des efforts que l’on faisoit pour bannir l’étain des usages économiques : enfin, le magistrat chargé de veiller, à Paris, à la santé du citoyen, & à la sureté publique, se crut obligé d’éclaircir la question, afin d’en empêcher absolument l’usage, s’il étoit réellement dangereux. MM. Rouelle, Bayen & Charlard furent chargés de sa part d’examiner & de constater par des expériences, si l’étain étoit réellement dangereux, ou s’il ne l’étoit pas. M. Rouelle étant mort, M. Bayen publia, par ordre du gouvernement, en 1781, ses Recherches chimiques sur l’étain. D’après un travail très-intéressant qui décèle le profond chimiste & le savant sage qui se guide sans cesse à la clarté du flambeau de l’expérience, il conclut que l’étain pur n’est point dangereux, & qu’il ne le devient que par l’alliage avec une trop grande quantité de plomb ou de cuivre.
Assurer une vérité ne suffit pas pour des gens prévenus ou ignorans ; il faut encore la démontrer & la rendre, pour ainsi dire, palpable ; c’est ce que nous nous crovons obligés de faire ici, en prouvant que l’étain pur n’est point dangereux, mais que l’étain du commerce peut l’être, & que réellement il l’est quelquefois.
L’étain pur ne contient point d’arsenic, & n’est point dangereux. Lorsque nous avons dit au mot Alembic, tome I, pag. 356, que l’étamage en zinc seroit préférable à celui d’étain, nous l’avons considéré par rapport à la durée, & parce que l’étain, employé à étamer des vaisseaux de cuivre, est toujours mêlé d’une portion de plomb qui est dangereuse. Ici nous allons le consi-