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resse étoit extrême ; les seuls pâturages où l’on pouvoit conduire les bestiaux, étoient aux environs d’une mare ou d’un endroit bourbeux, contenant une eau infecte & croupissante. Le lieu le plus voisin de celui-ci étoit un gravier échauffé par l’ardeur du soleil, & formoit, pour les animaux qui y étoient la plus grande partie de la journée, un séjour vraiment brûlant : ainsi, l’excessive chaleur, la mauvaise nature de l’herbe, & plus encore les mauvaises eaux, furent les premières causes du mal ; d’une part les humeurs étant considérablement échauffées & raréfiées, il y eut nécessairement une très-grande déperdition de la portion la plus fluide & la plus subtile du sang ; de l’autre, des alimens pernicieux, & des eaux corrompues augmentèrent la disposition à la putridité. L’arrière-bouche, le larynx, le pharynx offrant un passage continuel à un air très-chaud, & l’humeur mucilagineuse qui lubrifie ces parties étant moindre, puisque le sang en étoit en quelque façon dénué, & que d’ailleurs les criptes qui le fournissent doivent être nécessairement desséchées, elles devenoient très-susceptibles d’inflammation. Si on ajoute à cette circonstance la dépravation des humeurs à raison d’une nourriture & d’une boisson ; pour ainsi dire venimeuses, on ne sera pas surpris de la dégénération de cette inflammation de la gorge en une esquinancie vraiment gangreneuse ; à l’égard des animaux dans lesquels elle n’a jamais été aussi vive, qui ne périssoient pas aussi promptement que les autres, & sur le corps desquels il survenoit indistinctement des tumeurs peu douloureuses, & se prêtant la plupart à une bonne suppuration, on a dû voir en eux les résultats des mêmes causes, ou plutôt de cette même dépravation, par le moins de subtilité des humeurs, & par leur aptitude à la concrétion & à des stagnations dans des canaux privés de leur élasticité ordinaire.

Quoi qu’il en soit, s’il étoit impossible de détruire une cause qui résidoit dans l’intempérie de la saison, il falloit du moins rendre ses effets moins terribles, remédier à la perversion que les humeurs avoient soufferte, appaiser l’inflammation de la gorge, exciter dans ces parties, eu égard à certains animaux, la séparation du mort avec le vif, & dissipera dans quelques autres, les tumeurs dures & plus ou moins volumineuses qui paroissoient indifféremment sur la surface de leur corps.

On s’occupa d’abord du soin le plus important, & le premier qu’on doive toujours se proposer dans ces fatales conjonctures, c’est-à-dire, de celui d’interdire toute communication des bestiaux sains & des bestiaux malades. Le moyen le plus assuré d’éviter la contagion, est en effet de la fixer ; les bêtes qui y avoient jusqu’alors échappé, furent donc conduites hors des étables infectées, après avoir été fortement bouchonnées avec des bouchons de paille, exposés auparavant à la fumée du tym, du romarin, de la sauge, & d’autres plantes aromatiques sur lesquelles on avoit jeté une légère quantité de vinaigre, pendant qu’elles étoient enflammées. Les écuries dans lesquelles on les plaça, furent nettoyées de tout le fumier qu’elles contenoient, & parfumées avec des bois, de genièvre & de laurier, macérés dans du vinaigre de vin, que l’on fit