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arbres, aux fruits, qui acquièrent plus de perfection, plus de grosseur ; &c. dès-lors que cet état de perfection se soutient, soit en multipliant les sujets par les semis ou par la greffe, il convient d’appeler ces espèces perfectionnées, des espèces jardinières trop négligées, & trop méprisées par les botanistes. Ils ne comptent qu’une espèce de pommier proprement dite, de poirier, de prunier, de cerisier, abricotier, de pêcher, &c. &c. & d’un seul coup de plume, ils renvoient ces espèces dans le rang des variétés, de manière qu’à leurs yeux les pommiers de calville & de reinette &c. ne méritent pas plus d’égards que les pommiers à cidre, ou même le pommier sauvage. Ce dernier, il est vrai, est plus près de la nature sauvage, & l’autre de la nature civilisée. Mais, celui qui savourera une poire, une pêche délicieuse, ou qui goûtera la pomme des buissons, conviendra sans misanthropie, qu’au moral comme au physique la civilisation est excellente. Laissons les vaines disputes aux sciences spéculatives, & reconnoissons trois qualités d’espèces, les naturelles, les jardinières & les hybrides. Voyons ensuite comment on parvient à perfectionner les premières, comment les secondes dégénèrent, peuvent enfin retourner au point d’où elles sont parties.

Section première.

Des Espèces.

I. Des espèces naturelles. Je qualifie de ce nom toute plante, tout arbre qui croît par les seuls soins de la nature, donne des fleurs, des fruits ou graines qui, semées sans le secours de l’homme, produisent des individus semblables à ceux qui leur ont donné l’existence, & sans dégénération.

L’homme a trouvé, au milieu de cette prodigieuse quantité de plantes, des espèces dont il a tiré sa subsistance, ou qu’il a su approprier à ses autres besoins ; dès-lors devenues précieuses pour lui, il les a cultivées, leur a fait abandonner leur première habitation, les a transplantées dans un sol plus riche & mieux préparé ; enfin, ces espèces, à force d’être semées & soignées, ont donné des plantes plus nourries & mieux conditionnées ; leurs sucs se sont épurés, elles ont conservé simplement le type de leur premier état ; enfin, elles ont été perfectionnées dans toutes leurs parties, & ont produit les espèces que je nomme jardinières.

II. Des espèces Jardinières. Je comprends sous cette dénomination les espèces de plantes & d’arbres, perfectionnées par la main de l’homme ou par un luxe de la nature, & qui, par les semis, les marcottes, les boutures, la greffe se conservent dans leur état de perfection.

Cueillez au milieu des champs de la graine, par exemple, d’un coquelicot ou petit pavot rouge, celle d’un pied d’alouette sauvage, &c. ; semez ces graines dans une excellente terre de jardin chargée d’engrais, arrosée suivant les besoins ; les plantes y acquerront une grandeur, & une vie double ou triple de la première : cueillez de nouveau leurs graines, resemez-les dans une terre encore meilleure, s’il est possible, les plantes en seront plus vigoureuses, les fleurs plus grandes ; enfin, de semis en semis perfectionnés, vous parviendrez, à faire doubler les fleurs ; &c. ces plantes sortent dès-lors de la classe