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en les considérant seulement comme substances compactes à grain & à tissu très-serré, & en faisant abstraction des parties salines qu’elles contiennent.

Ce que j’ai dit du sable relativement à l’argile, s’applique également aux pierres, aux cailloux, aux graviers, aux retailles des pierres, & ceux-ci ont une double action, qu’il ne faut pas perdre de vue. Ces cailloux, ces retailles, &c. non-seulement divisent la terre argileuse, permettent aux racines de s’étendre, mais encore ils concentrent & retiennent plus de chaleur dans ces terres appelées froides. Un corps exposé aux rayons du soleil, plus il est solide & dur, plus il absorbe de chaleur ; il ne peut l’absorber sans la communiquer à ce qui l’environne : considéré sous ce point de vue, il devient un nouvel engrais pour les terres argileuses, crayeuses & tenaces. Tous ces effets, comme on le voit, sont purement mécaniques & indépendans des qualités intrinsèques de chacun de ces corps considérés séparément. Enfin, les sables agissent comme de petits leviers infiniment multipliés au milieu des substances auparavant tenaces, & ces substances, mêlées aux sables, sont comme autant d’entraves qui les lient & s’opposent à leur extrême désunion.

C’est d’après de tels principes qu’on doit le régler sur le mélange des terres. Plus on labourera une terre sablonneuse, & moins on devra s’attendre à des récoltes. On multipliera en vain les labours dans une terre crayeuse, argileuse, &c. il ne faudra qu’une pluie de vingt-quatre heures pour concentrer de nouveau ses molécules les unes contre les autres ; & la moindre chaleur, le moindre vent violent dessécheront fa superficie, y formeront une croûte qui empêchera l’évaporation de l’eau qu’elle contient, & qu’elle ne peut laisser filtrer par-dessous la croûte superficielle qui étranglé le collet de la plante en se durcissant, & les racines alors pourrissent par l’humidité surabondante qui les environne sous cette croûte. Consultez le mot Argile, page 658, Tome I, & le mot Craie ; ils sont essentiels à cet objet.


CHAPITRE II.

Des Engrais salins.


Les auteurs ont vanté successivement le sel de nitre répandu sur les terres, le sel marin ou de cuisine, les sels alcalis, la chaux, la craie, la marne : (voyez ces mots) ils ont annoncé des prodiges résultans de ces salaisons plus ou moins fortes. Sans leur faire tort, on peut, en général, rabattre les deux tiers du merveilleux de leurs écrits. Si les sels quelconques, considérés d’une manière isolée, étoient de si puissans engrais, il est certain que les champs les plus voisins de la mer seroient les plus productifs, puisque, dès que la chaleur survient & qu’elle se soutient pendant quelque temps, elle fait évaporer leur humidité, & la surface du terrein se couvre de petits cristaux de sel marin très-brillans, lorsque le soleil luit : ici l’engrais salin n’est donc pas épargné. Jugeons de son résultat par un exemple que j’ai pour ainsi dire sous les yeux.

Sur de tels champs, dans les provinces méridionales, lorsque le temps de labourer est venu, on laboure &