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Les maladies inflammatoires essentielles de la poitrine & du bas ventre, contre-indiquent toute espèce d’émétiques, sur-tout lorsque l’inflammation attaque quelqu’un des viscères qui y sont contenus, parce qu’on a à craindre une suppuration, & la gangrène ; en augmentant le mouvement de la circulation, ils forceroient les vaisseaux sanguins, & le sang s’accumuleroit en plus grande quantité dans la partie enflammée. Ils sont beaucoup plus contre-indiqués dans l’inflammation de l’estomac, qu’on connoît par la chaleur & l’ardeur qu’on ressent à l’endroit de ce viscère, par un vomissement fréquent, par une soif presque inextinguible, & par la dureté & la petitesse du pouls.

Leur emploi seroit encore très-nuisible dans le cas d’inflammation menaçante au bas ventre, connue sous le nom de météorisme ; dans les douleurs fixes du ventricule, accompagnées de vomissement du sang. Cependant il est de fait, par une observation rapportée dans les mémoires de l’Académie, que l’émétique a été donné avec succès à une fille attaquée d’un vomissement de sang, mais après avoir fait précéder deux saignées. Dans le vomissement de sang périodique, qui survient quelquefois aux femmes après la supression de leur règles, ou aux hommes après celle du flux hémorroïdal ; dans ces circonstances, les vaisseaux de l’estomac sont extrêmement foibles, l’émétique pourroit occasionner leur rupture & produire un vomissement plus abondant. Dans les hernies, sur-tout le bubonocèle, lorsqu’elles sont avec étranglement du sac herniaire, il est à craindre alors que les muscles abdominaux, venant à se contracter plus fortement, ne causent un étranglement plus considérable.

Ils seroient encore très-dangereux dans le squirre des viscères du bas ventre, sur-tout du foie & de la rate ; dans les tempéramens bilieux & mélancoliques. La pression de ces viscères peut produire l’inflammation & les faire dégénérer en cancer ; dans l’ulcère ou abcès du foie, dont la dyssenterie est quelquefois symptôme, parce que l’abcès venant à se crever, le pus s’épancheroit dans le bas ventre. Boerhave rapporte qu’un malade qui avoit un pareil flux hépatique, périt dans l’action même de l’ipécacuana qu’il avoit pris contre son sentiment.

L’action des émétiques peut détacher le placenta dans les maladies des femmes grosses, & procurer l’avortement ; cependant on ne doit pas toujours les exclure dans ces circonstances : j’en ai donné plusieurs fois, avec le plus grand succès, à des femmes qui touchoient au neuvième mois de leur grossesse ; mais très-assombris & noyés dans une très-grande quantité d’eau, & à une dose très-modérée. L’inflammation de poitrine essentielle, l’ulcère & l’abcès dans cette cavité, des vices de conformation, sont autant des motifs puissans qui doivent porter les médecins à ne pas les ordonner dans des cas semblables.

En général, on peut donner les émétiques dans tous les temps des maladies ; quoiqu’il soit toujours mieux de les administrer dans le commencement. Les forces ne