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sentir ; elle est trop amalgamée avec la partie terreuse ; mais si vous faites macérer ce morceau de sarment très-sec, dans une quantité d’eau convenable, l’austérité deviendra plus sensible. Si on répète sur la grappe les mêmes expériences que sur le sarment, les résultats seront les mêmes à très-peu de choses près. Ainsi l’identité est démontrée.

Section II.

Des Principes constituans du Vin.

Tout le monde convient que la grappe communique au vin un goût âpre, austère, & que le vin, provenant d’un raisin égrappé, est plus délicat. De cet aveu général, il en résulteroit que l’on devroit égrapper ou dégrapper, ou égrainer ; mais on dit : la grappe nourrit le vin, & lui communique des principes qui prolongent sa durée. C’est donc par son austérité ou par le principe acide qu’elle renferme, & non par le spiritueux qu’elle ne peut fournir, ainsi qu’il a été démontré.

Premier principe. Dans les années froides & pluvieuses, même dans nos provinces méridionales, le raisin est verd & acide ; à plus forte raison l’est-il dans celles du nord.

Deuxième principe. Dans les années chaudes & sèches, le raisin est doux, c’est-à-dire, que le goût doux masque l’acide contenu dans le suc & dans le parenchyme, comme le sucre, tiré de la canne à sucre, enveloppe son sel acide, de manière qu’il ne fait aucune impression sur le palais ; cependant cet acide très-fort n’existe pas moins dans le sucre le plus doux.

Troisième principe. Dans les années chaudes & sèches, lorsque le raisin est mûr, mais non pas complètement mûr, & tant que la grappe est encore verte, s’il survient une pluie un peu forte quelques jours après, il se reverdit, & son sel acide se développe, parce qu’il est tenu en dissolution par l’eau de végétation remontée du cep au raisin. Cette abondance d’eau ne permet plus à la partie sucrée de masquer la partie acide jusqu’à ce que la chaleur & la transpiration aient fait évaporer cette eau surabondante, & rapproché la partie sucrée.

Quatrième principe. Si dans les pays chauds, on laisse sécher les raisins sur le cep, & qu’il ne survienne point de pluie, on voit souvent la partie sucrée se cristalliser dans le raisin. Le temps & l’exsiccation opèrent sur lui le même effet que la préparation sur les raisins, vulgairement appelés de panse ou de carême ou raisins secs.

Cinquième principe. Plus les raisins sont complètement mûrs, chacun suivant son espèce, plus ils sont spiritueux & plus ils se conservent. On sait que les vins du Roussillon, par exemple, sont susceptibles d’être gardés pendant trente à quarante ans.

Sixième principe. Plus un vin contient de parties sucrées, & plus sa durée est longue ; les vins d’Espagne en fournissent la preuve.

Septième principe. Plus un raisin est éloigné du point de sa maturité, plus le vin qu’on en retire est vert & acide, & souvent il n’a du vin que la couleur. Suivant les cantons & l’espèce de raisins, ce vin se conserve quelquefois plus que si le raisin avoit mûri davantage ; mais ce phénomène dépend autant de l’espèce du