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de seize pouces de longueur, sur sept à huit de largeur, armée d’un manche de trois pieds de longueur & un peu recourbé en dessus, afin que l’ouvrier puisse frapper la terre, enfoncer cet instrument plus perpendiculairement, enfin se courber moins pour travailler. Le trou par où passe le manche est rond, & a deux pouces de diamètre en dedans.


ÉCOBUER ou ÉGOBUER, ou BRULER LES TERRES. C’est enlever la superficie d’un terrein chargé de plantes à un ou plusieurs pouces d’épaisseur, couper ces tranches quarrément, en former de petits fours, y mettre le feu, & répandre ensuite cette terre réduite en cendre sur le sol ; tel est le sommaire de opération.

On écobue de deux manières, ou à bras d’homme, en se servant de l’écobue, nommée tranque dans quelques-unes de nos provinces, ou avec la forte charrue à versoir ; (voyez ce mot) la dernière est la plus économique, & n’est pas la meilleure.

On écobue ordinairement les friches chargées de bruyères & de mauvaises herbes, les prairies destinées à être converties en terres à grains au moins pendant quelques années, les luzernières, les esparcettes qu’on veut dérompre, &c. Le grand art de l’écobuage consiste à enlever seulement la portion de terre pénétrée par les racines ; la portion simplement terreuse devient inutile.

Le grand art est encore de conserver à ces tranches toute la terre attachée aux racines, soit qu’on les enlève avec l’écobue ou avec la charrue. On les coupe ensuite quarrément, & après les avoir laissé sécher au soleil, elles sont disposées les unes sur les autres, ou quarrément ou en rond, & forment de petits fourneaux. Il faut observer que la partie inférieure de la tranche, soit à l’extérieur du fourneau, & que la supérieure chargée d’herbes, soit dans l’intérieur. On met le feu au milieu de ce fourneau rempli d’herbes ou de feuilles, & la petite ouverture qui lui sert de porte, est presque bouchée, afin de ne point établir de courant de flamme, mais un feu étouffé, qui gagnera lentement de proche en proche, & consumera les racines jusqu’à l’extérieur de la tranche. On doit plusieurs fois dans la journée visiter ses fourneaux, afin de boucher exactement les gerçures ou crevasses qui s’y formeront surement si le feu a trop d’activité. La fumée pénétrera la terre, comme l’eau pénètre une éponge, & se dissipera peu à peu dans la vague de l’air. J ai vu des agriculteurs mouiller extérieurement ces fourneaux avant d’y mettre le feu, & pétrir la terre tout autour. Cette opération est fort bonne, lorsque l’eau est dans le voisinage ; on lute, pour ainsi dire, les tranches les unes contre les autres ; car c'est toujours dans leur point de réunion que la flamme s’ouvre un passage, lorsqu’on ne prend pas cette précaution, ou du moins lorsque la terre n’est pas assez serrée dans ces endroits.

Ceux qui veulent promptement faire sécher les tranches de terre, les réunissent les unes contre les autres par leur sommet, & ainsi disposées elles forment un triangle dont le sol est la base. De cette manière elles sont de tous les côtés, environnées d’un courant d’air qui,