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la partie dont nous parlons. Ces marées couvroient jadis une étendue immense ; mais l’ouverture une fois formée entre Douvres & Calais ; elles se sont étendues sur les côtes de Normandie, de Bretagne &c., & une très-grande partie de la Flandre & de la Hollande est alors sortie de l’eau, c’est-à-dire, n’a plus été recouverte par la mer. Comme la séparation est très-petite relativement au volume qui s’y jette avec véhémence, les marées sont plus hautes sur les côtes de Bretagne & de Normandie, qu’elles ne le sont sur celles du golfe de Gascogne. Une marée plus haute que les marées précédentes, ou une grosse mer a voituré des sables qui ont formé & élevé les dunes, & les vents violens poussant les sables mobiles les ont jetés contre les dunes, de manière, qu’en les retenant elles se sont élevées peu à peu. Les dunes une fois formées, les grandes flaquées d’eau ont resté par derrière ; le sol est & reste submergé, si l’industrie de l’homme ne surmonte cet obstacle. Il faut la patience & la sage économie des hollandois pour en venir à bout.

2°. Par les rivières. Les rivières changent de lit. Le plus petit des obstacles dans les commencemens suffit pour opérer dans la suite des révolutions qui étonnent. Un arbre, par exemple, qui se trouve au milieu d’un champ inondé par un débordement, offre une résistance au courant de l’eau ; de chaque côté, le courant acquiert de la force, creuse le sol, forme un petit ravin : celui-ci attire l’eau en plus grande abondance, le ravin s’agrandit & reste tel parce que la rivière se retire ; une seconde inondation survient, l’arbre est emporté, le ravin a triplé sa largeur & sa profondeur, & voilà un bras de rivière tout formé. Si la pente de ce côté est plus forte que dans le lit de la rivière, elle doit nécessairement abandonner ce lit pour couler dans le nouveau ; & tout le terrein qu’elle ne couvre plus, devient un bas-fonds & de niveau. Si on vouloit examiner attentivement, & rechercher les causes de ces bas-fonds, on reconnoîtroit que leur origine dépend en général de semblables causes.

Ces sols submergés une partie de l’année, ou au moins marécageux, sont le principe de cette quantité de maladies qui affligent les malheureux riverains trop attachés à la glèbe pour l’abandonner : les maladies sont moins à redouter dans les provinces du nord de la France que dans celles du midi ; la chaleur y étant moins forte, la putréfaction des débris des végétaux & des animaux y corrompt moins l’air. Dans celles du midi, c’est une véritable peste ; le village de Frontignan, si connu par ses vins blancs, sera peut-être désert avant qu’il soit cinquante ans. Quels remèdes à de tels maux ? Des opérations en grand, ou rien du tout, & alors abandonner le pays.

Le terrein est au-dessus du lit actuel de la rivière qui l’a abandonné, ou au-dessous du lit de ses eaux pendant les inondations. Dans le premier cas un large fossé, coupé par mille fossés secondaires, écoulera les eaux dans la rivière. Dans le second, le même fossé, revêtu d’une écluse & de fortes portes, & même d’une levée le long de la rivière, empêchera les eaux des inondations de s’étendre sur le sol, & lorsque la rivière sera