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terre maigre, sans liaison, & sabloneuse. Tels sont les dépôts formés par les rivières dont le cours est rapide, ou par la mer. J’appelle lande grasse, la terre qui est couverte de fougère, de broussailles, de bois. Dès qu’on voit la fougère, & l’yèble ou petit sureau prospérer & se multiplier dans un tel fonds, on est assuré que la couche de terre est susceptible d’une bonne culture.

I. Des landes maigres. Deux causes générales concourent à ses rendre telles : la couche supérieure, & la couche inférieure. La première est ordinairement sablonneuse, & la seconde argileuse. Quelquefois, & presque toujours, entre ces deux couches, il s’en trouve une troisième, qui est un dépôt ferrugineux, de plusieurs pouces d’épaisseur, & comme en table ; souvent cette épaisseur est du double ou du triple. Cette uniformité m’a frappé dans toutes les grandes landes à bruyères que j’ai visitées : celles qui régnent presque depuis la sortie d’Anvers, jusqu’à Rocfem sur le territoire de Hollande, dans les environs de Loo, d’Utrecht, dans la Gueldre, dans la Sologne, dans le Bordelois, &c. sont en tout semblables. La couche inférieure empêche de travailler la supérieure. On doit, par la raison de la ténacité de la couche inférieure, mettre dans la classe des landes maigres les terreins formés de craie dure & solide, & ceux d’argile pure ou presque pure.

Il y a deux manières de défricher ; ou avec le secours des animaux, ou à bras d’homme. La lande maigre dédommagera-t-elle jamais de la dépense faite à bras d’homme ? Je ne le crois pas.

Si j’avois à mettre en valeur un pareil terrein, je me servirois de la charrue, (voyez ce mot) montée sur des roues, année d’une longue flèche, d’une forte oreille ou versoir, & de tous ses accessoires tranchans, afin de couper les racines des mauvaises herbes, des bruyères, & de les enterrer sur le champ.

Plusieurs auteurs ont conseillé de les brûler, parce que leurs cendres, & les sels alcalis qu’elles contiennent, fertilisent la terre. Je conviens de ce principe ; mais cet engrais est médiocre : la flamme entraîne avec elle une grande partie des sels ; & de la cendre ajoutée à une terre qui manque de lien, est tout au plus un engrais momentané. Il vaut beaucoup mieux enterrer les plantes : par leur décomposition, elles fournissent de la terre végétale, cet humus si précieux, base de toute végétation, & qui forme la charpente des plantes.

Le premier labour doit être donné, lorsque la majeure partie des plantes est en fleur ; 1°. parce que ce moyen est le plus prompt pour les détruire, puisqu’on n’enterre point de graines ; 2°. parce que toute plante, fortement endommagée lors de sa grande végétation, périt plus facilement ; 3°. parce qu’à cette époque, la plante est plus remplie de principes que dans toute autre circonstance, & par conséquent rend à sa terre tous les principes qu’elle a absorbés, sans parler de ceux de l’atmosphère.

Après plusieurs profonds labours, croisés dans tous les sens, il convient de passer la herse, afin de tirer hors du champ les plantes qui ne sont pas enterrées, ou qui le sont trop peu ; elles se dessécheroient à l’air, & perdroient leurs principes. Si on n’a pas la facilité de les porter sous les