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ces principes, M. Fabroni croit que la meilleure méthode d’agriculture, doit consister à mêler dans un même terrein tous les végétaux possibles ; les grands, les petits, afin que l’air fixe & l’air inflammable, qui échappent aux uns, ne soient pas perdus pour les autres.

Section II.

Des Labours.

Parmi les moyens qu’on a imaginé pour réparer le dépérissement de la terre, empêcher sa stérilité, faciliter la végétation des plantes, les labours ont paru, à presque tous les agronomes, très-propres à remplir en partie ces objets. M. Fabroni s’élève contre cette méthode, qu’il croit nuisible à la végétation. Il ne voit d’autres effets des fréquens labours, que d’accélérer la décomposition de la terre végétale, & de changer en déserts les campagnes les plus fertiles. Pour prouver les suites funestes des labours, il fait le parallèle de l’agriculture romaine ancienne avec la moderne. Les anciens romains se plaignoient que leurs terres vieillissoient, qu’elles étoient fatiguées, & qu’elles devenoient progressivement stériles. Ces mêmes terres sont aujourd’hui aussi fertiles que des terres neuves. « On ne peut, dit M. Fabroni, rendre raison de ce phénomène, qu’en se rappelant que les anciens romains labouroient excessivement leurs terres, & que ceux à qui ces mêmes terres sont confiées aujourd’hui, les labourent le moins qu’ils peuvent. Ce fait devroit lui seul nous faire revenir de notre erreur, & nous porter à la réforme de la plus grande partie de nos labours ».

Le but que se proposent les agriculteurs en donnant à la terre de fréquens labours, est de l’ameublir, d’atténuer ses molécules, de détruire les mauvaises herbes. M. Fabroni prétend, 1°. qu’il y a dans la nature des moyens très-efficaces d’atténuer la terre, sans le secours de la charrue, ni des autres instrumens de culture. « Qu’on observe, dit-il, que la terre des prés fertiles & des bois anciens est toujours meuble & légère. Cette souplesse, cette légèreté qu’on s’efforce en vain d’imiter par le labour, dépend du nouveau terreau qui se forme chaque année à la chute des feuilles, des branches ou des fruits, & qui empêche que celui de l’année précédente, frappé par les pluies ne se resserre & ne se durcisse. Le grand nombre aussi des plantes qui y végètent, & qui pénètrent de tous côtés la terre qui les environne, contribue beaucoup à la rendre très-souple, puisqu’elles agissent comme autant de petits coins, & la divisent beaucoup mieux que les labours répétés avec le soc ou avec tout autre instrument. » 2°. Les labours ne détruisent qu’imparfaitement les mauvaises herbes ; la figure du soc, suivant M. Fabroni, n’est pas bien propre pour cet usage ; il ne fait que les déplacer ou les couvrir de quelques pouces de terre, ce qui ne les empêche pas de végéter.

En fatigant souvent la terre par de fréquens labours, M. Fabroni est persuadé qu’on accélère l’évaporation des principes nourrissans, qui se seroient détachés peu à peu pour entretenir la végétation des plantes ;