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PREMIÈRE PARTIE.

Des notions essentielles pour la construction des charrues, et de leurs différentes espèces.


CHAPITRE PREMIER.

Observations préliminaires sur l’utilité & la qualité des charrues en général, relativement aux effets qu’elles doivent produire.


La charrue est l’instrument le plus utile à l’Agriculture, & celui dont l’usage est le plus commun pour cultiver les terres. Quoique les avantages qu’on en retire soient connus depuis long-temps, cependant ce n’est que de nos jours qu’on s’est occupé à le perfectionner, & à le rendre encore plus utile, en proportionnant la forme de sa construction, relativement à sa solidité, à sa légéreté, & à l’aisance de sa marche, aux différentes qualités de terreins qu’on veut cultiver. Si l’on pouvoit faire autant d’ouvrage avec la bêche qu’on en fait avec la charrue, il n’y a pas de doute qu’on ne dût préférer ce premier instrument de culture à tout autre, parce qu’il n’y en a point qui remue aussi parfaitement la terre en la renversant sens dessus dessous, ce qui est une opération que le versoir de la charrue n’exécute jamais aussi bien. S’il pouvoit être employé dans des terreins étendus avec la même utilité, le même avantage qu’on en retire dans les jardins, la charrue deviendroit fort inutile. Mais ayant beaucoup de terres à cultiver, & peu d’hommes eu égard à l’étendue immense des terres labourables, la plus grande partie resteroit sans culture. La charrue à coutres, comme on le verra, supplée en quelque sorte assez bien à la bêche, elle fouille & remue la terre à une très-grande profondeur, l’ameublit, la divise assez parfaitement ; outre cela, elle a l’avantage de faire infiniment plus d’ouvrage que la bêche.

En considérant la bêche comme l’instrument le plus parfait dont nous fassions usage pour remuer & ameublir la terre, nous devons donc nous occuper à construire des charrues qui soient propres, autant qu’il est possible, à produire ces effets ; sans cela nous remplaçons un très-bon instrument, par un mauvais, dont le seul avantage sera de faire beaucoup d’ouvrage ; mais étant mal fait, nous n’en retirerons aucune sorte d’utilité. Si la charrue ne remuoit la terre qu’en dessous sans la renverser, loin de détruire les mauvaises plantes, on donneroit à leurs racines la facilité de s’étendre en ameublissant la terre qui les environne ; pour lors la semence qu’on y jeteroit germeroit difficilement, parce qu’elle seroit étouffée en grande partie par les racines des mauvaises herbes qui seroient restées dans les sillons.

L’effet de la charrue doit donc être de couper, diviser, renverser & ameublir la terre : cet effet dépend particulièrement des coutres qui coupent la terre verticalement, du soc qui la fend horizontalement & la divise, & du versoir qui la jette dans le sillon précédemment formé. Les différentes espèces de charrues que nous connoissons, ne sont point toutes également propres à produire ces effets : le choix qu’il y a à faire de cet instrument de culture dépend