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afin de l’unir & de l’égaliser parfaitement. Le nombre des labours nécessaires avant d’ensemencer, n’étoit point fixé : suivant leurs principes, ils auroient dû être très-multipliés ; nous observons, au contraire, qu’ils labouroient moins fréquemment que nous. Virgile s’est éloigné, dans ses préceptes sur la culture, de la méthode de ses contemporains : il prétend que deux labours sont insuffisans pour disposer une terre à être ensemencée. Si l’on veut avoir des moissons abondantes, il pense qu’on ne doit point se borner à deux ni à quatre, mais agir selon le besoin des terres. Caton paroît n’en prescrire que deux, lorsqu’il dit : « Une bonne culture consiste, premièrement, à bien labourer ; secondement, à bien labourer ; troisièmement, à fumer ».

Les anciens agronomes étoient dans l’usage de donner le premier labour très-légèrement, persuadés que les racines des mauvaises herbes étoient mieux exposées à l’air, & plutôt desséchées par l’ardeur du soleil. Les labours suivans n’étoient guère plus profonds ; leur charrue, peu propre à fouiller la terre, ne pouvoit ouvrir des sillons que de cinq à six pouces de profondeur. Quoique leurs instrumens de labourage fussent moins propres que les nôtres à la culture des terres, ils avoient cependant soin de proportionner l’ouverture du sillon à la légèreté ou à la ténacité du sol. Dans un terrein léger & friable, le labour étoit superficiel ; profond dans un terrein dur, & autant que la charrue pouvoit le permettre. Virgile insiste beaucoup sur cette méthode, afin de ne pas donner lieu à l’évaporation de l’humidité nécessaire à la végétation, en faisant de profonds sillons dans un sol large. Dans un terrein fort & argileux, il veut qu’on ouvre de profonds & larges sillons, pour développer les principes de fécondité, qui seroient nuls pour la végétation, sans cette pratique.

Suivant l’opinion des anciens, toutes les saisons n’étoient point également propres à labourer les terres. Virgile condamne les labours faits pendant les chaleurs de l’été & pendant l’hiver, comme étant très-nuisibles à la fertilité : le temps le plus favorable, selon lui, étoit lorsque la neige fondue commençoit à couler des montagnes. La saison des labours dépendoit encore de la qualité des terres. Le même auteur prescrivoit de labourer après l’hiver un sol gras & fort, afin que les guérets fussent mûris par les chaleurs de l’été ; quand, au contraire, il étoit léger, sablonneux ou friable, il prétendoit qu’il falloit attendre l’automne pour le labourer.

Columelle n’étoit pas du sentiment de Virgile ; il vouloit, au contraire, qu’une terre forte, sujette à retenir l’eau, fût labourée à la fin de l’année, pour détruire plus facilement les mauvaises plantes.

Les anciens agronomes ont ignoré la méthode de cultiver les plantes annuelles pendant leur végétation : toute leur culture, à cet égard, se reduisoit au sarclage ; à faire paître par les moutons, les sommités des fromens trop forts en herbe, avant l’hiver ; à répandre du fumier en poussière, lorsqu’ils n’avoient pas pu fumer leur terre avant de les ensemencer.

III. Des engrais. Les anciens croyoient rendre raison de la cause