Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/561

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blanc de céruse, qui est une chaux de plomb. On ne doit pas confondre ces blancs avec la craie de Briançon, qui est substance talqueuse, grasse au toucher, composée de petites lames ou feuillets, & qui ne se réduit point en chaux par la calcination : au lieu que la craie, proprement dite, fait une chaux passable, si elle est d’un grain serré & compacte.

Dans quelques endroits de la Champagne, on fait des briques avec la craie : après l’avoir brisée avec des masses, & l’avoir réduite en poussière, on la passe alors à la claie, afin de séparer les parties grossières ; on la mouille, on la piétine à peu près comme l’argile, enfin on la moule. Cette espèce de brique, séchée au soleil, acquiert de la consistance, & on s’en sert dans la construction des maisons : il est essentiel qu’elles soient parfaitement sèches avant les gelées.

Pour la fabrication du blanc, on laisse essuyer la craie à l’air ; on la bat avec des maillets armés de clous, afin de la réduire en une poussière grossière qu’on passe au crible ; on l’arrose ensuite, on la brasse pendant long-temps, & on la porte dans cet état sous une meule de moulin fort serrée. Au sortir du moulin, elle est versée dans un tonneau plein d’eau, où elle repose pendant sept ou huit jours, elle se précipite, & on retire l’eau doucement : on étend la craie précipitée sur des treillis posés sur une couche de craie brute & sèche, qui attire l’humidité de la craie préparée. Au bout de vingt-quatre heures, celle-ci a acquis une consistance de pâte susceptible d’être formée en pains ; il ne s’agit plus que de les porter dans un lieu sec, à l’ombre, & exposé à un grand courant d’air.

Les pauvres habitans de ces pays infortunés, pourroient s’occuper de ces manipulations, & leur travail adouciroit leur sort. Leurs facultés ne leur permettant pas de se procurer des meules, & tout l’attirail qu’elles exigent, voici une méthode plus économique pour eux. Choisissez un terrein un peu incliné, & sur lequel vous puissiez conduire un filet d’eau à volonté ; creusez quatre ou cinq bassins à la suite les uns des autres, & qui puissent tous dégorger les uns dans les autres : il faut que l’un des côtés de ces bassins soit percé de plusieurs trous, faciles à boucher, & placés à des hauteurs graduées. Remplissez aux trois quarts le bassin supérieur, qui doit être le plus vaste, avec de la craie réduite en poudre ; donnez l’eau modérément ; sassez ; remuez fortement cette craie avec des broyons, afin que l’eau la pénètre, &, lorsque le tout sera parvenu à une espèce de fluidité, donnez de l’eau sans interruption, & sans interruption broyez la masse. L’eau du premier bassin, chargée des particules de craie, coulera dans le second, & après l’avoir rempli, dans le troisième, & ainsi de suite. Lorsque tous seront pleins, cessez de donner de l’eau au premier. Quand la craie se sera précipitée, que l’eau de chaque bassin sera claire, débouchez les trous, elle s’écoulera ; enfin, lorsque la craie aura la consistance d’une pâte, préparez-en les pains : ce qui reste dans le bassin supérieur est à rejetter ; la craie du second bassin est moins pure que celle du troisième, & ainsi de suite.