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la chicorée ; car ces plantes étant liées & couvertes, de manière que le phlegme ne puisse pas aisément se dissiper, elles deviennent blanches, parce que l’huile essentielle se trouve si fort étendue dans cette grande quantité de phlegme, qu’elle paroît transparente & sans couleur. Les feuilles deviennent rouges, pour la plupart, sur la fin de l’automne, dans les premiers froids, qui resserrent les pores des plantes, retiennent la sève dans les feuilles & y interrompent la circulation ; cette sève s’aigrit par son séjour, parce que l’acide développé détruit l’alcali & sa couleur verte ; de sorte que ces soufres reparoissent aussitôt dans leur propre couleur, qui est le rouge. Dans les fleurs, toutes les nuances, depuis le citron jusqu’à l’orangé ou jaune de safran, paroissent venir d’un mélange d’acide avec l’huile essentielle, toutes les nuances de rouge, depuis la couleur de chair jusqu’au pourpre & au violet foncé, sont les produits d’un sel volatil urineux, uni avec l’huile. Le noir, qui peut passer, dans les fleurs, pour un violet très-foncé, est l’effet d’un mélange d’acide, surabondant au violet pourpré du sel volatil urineux. Toutes les nuances du bleu proviennent du mélange des sels alcalis fixes, avec les sels volatils urineux, & les huiles concentrées ; enfin, le vert, dans les fleurs, est produit par ces mêmes sels, mêlés avec des huiles beaucoup plus raréfiées.

Pour démontrer la vérité de ce systême, qui n’est fondé que sur les combinaisons que M. Geoffroy a faites, de l’huile de thym avec des acides & des alcalis, il faudroit prouver que les huiles essentielles de toutes les plantes fussent les mêmes, & se comportassent de la même façon ; aussi a-t-il été abandonné, ou plutôt n’a-t-il jamais été suivi.

Des analyses mieux faites, & plus générales, ont conduit MM. Rouelle, Macquer & Dambournay à des observations sur lesquelles on peut compter.

Il n’est presque point de parties dans les végétaux, qui ne contiennent des parties colorantes ; tous leurs organes en abondent. Il arrive souvent que la même plante renfermera dans son sein plusieurs couleurs à la fois : les racines, les tiges, les feuilles & les fleurs, non-seulement varieront pour les nuances, mais encore pour les couleurs opposées. De plus, très-souvent une matière végétale qui n’a point de couleur apparente, en prend une très-marquée par les manipulations particulières, comme la fermentation ou le mélange avec des menstrues. On ne peut nier que ces parties colorantes intérieures n’influent, pour beaucoup, sur la couleur extérieure ; & dans ce sens, ce troisième systême rentre dans le premier dont nous avons parlé plus haut. Si l’on réfléchit un peu sur les expériences des chymistes modernes, on verra qu’ils nous ont donné moins l’histoire de la matière colorante, principe elle-même, que celle de les combinaisons avec telle ou telle base, qui la rend ou extractive & dissoluble dans l’eau, ou résino-terreuse, & composée d’extraits savonneux & de rennes, ou purement résineuse & insoluble dans l’eau. (Voyez au mot Végétal, l’explication de ces différentes matières colorantes.)