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corolle ? N’est-elle qu’un ornement inutile ? Non, ne le croyons pas : plus nous étudierons ses merveilles, & plus nous admirerons sa sagesse. La fonction de la corolle embrasse plusieurs objets ; elle protège le jeune embryon, & les parties mâles & femelles, c’est-à-dire, les étamines & les pistils, & les défend des intempéries des saisons. En effet, les pétales ne se développent que lorsque ces organes ont acquis assez de force & de consistance pour n’avoir rien à redouter de la pluie, de la rosée, de la chaleur, &c. Il paroît même, d’après plusieurs observations, que l’on peut regarder les pétales comme les rideaux du lit nuptial, oh se consomme la fécondation végétale ; car, dans quelques plantes, ce mystère est opéré avant l’épanouissement de la fleur. M. le Chevalier de Mustel a fait une expérience qui vient à l’appui de ce que j’ai dit. Elle lui a prouvé que si on coupe les pétales, lorsque la fleur commence à s’épanouir, toutes les autres parties périssent ; mais si l’on attend que ces mêmes parties soient bien formées, & que l’on prévienne de quelques jours la chute des pétales alors inutiles, l’embryon ne se fortifie que mieux.

Comme l’organisation des pétales est la même que celle des feuilles, aux glandes corticales près, dont les premiers sont privés, on peut, sans crainte, leur attribuer les mêmes fonctions qu’aux feuilles, c’est-à-dire, la dernière préparation du suc nourricier. Les pétales transpirent & aspirent ; c’est un fait botanique dont je me suis assuré plus d’une fois. M. Bonnet a observé que des pétales, posés sur l’eau, soit par leur surface supérieure, soit par leur surface inférieure, tiroient, par leurs pores, assez de nourriture, pour n’être fanés entièrement que le neuvième jour après avoir été détachés de la fleur. Les deux surfaces des pétales sont donc pourvues de pores aspirans, par lesquels elles pompent les sucs aériens qui, par l’acte de la végétation, doivent devenir principes nourriciers. Nous avons vu, au mot Air, (voyez ce mot) comment l’air atmosphérique se décompose dans la plante en deux parties, en air fixe & en air déphlogistiqué. Le premier devient partie constituante de la plante, & le second est rejeté par la transpiration insensible des feuilles & des tiges. Quand il y a une surabondance d’air fixe, alors la plante s’en dépouille & la rejette. Il paroît, d’après les expériences de M. Ingen-Houze & de Marigues, que les fleurs sont spécialement chargées de cette fonction, puisque leurs exhalaisons ou odeurs sont toujours méphitiques. (Voyez le mot Fleur, où nous donnerons le détail de ces expériences) On peut donc regarder les pétales comme un organe très-intéressant à la végétation ; mais il ne faut pas en conclure qu’il soit absolument nécessaire, puis que nous avons des plantes qui fournissent des semences & des fruits aussi parfaits qu’ils peuvent l’être, quoiqu’elles soient privées de pétales. Le frêne commun est dans ce cas-là. Ces exceptions sont très-rares ; & M. le Chevalier de la Marck, dans sa Flore françoise, assure qu’il ne connoît pas dix plantes, dont les fleurs soient totalement dépourvues d’enveloppe ; car la nature, infiniment variée & féconde dans ses productions, a