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rempli. Lorsqu’une abeille travaille en cire, le mouvement de contraction que fait son estomac est nécessairement la cause que l’anus frappe de temps en temps la surface où elle se trouve.

L’opinion de M. Arthur annonce une personne peu versée dans l’Histoire Naturelle de l’Abeille, dont il est nécessaire de connoître parfaitement l’organisation, pour rendre raison de ses ouvrages. Il est donc certain, ainsi que l’a observé M. de Réaumur, que l’abeille ne rend par l’anus que les fèces du miel & de la cire brute qu’elle a digérée ; & quoiqu’ils le coagulent, ils ne font pas plus de la cire parfaite que la goutte de venin que Swammerdam avoit vu se condenser & se durcir au bout de l’aiguillon. Il n’est point surprenant que M. Arthur leur ait trouvé une odeur de cire, & une qualité glutineuse ; l’abeille qui se nourrit de miel & de cire brute, doit rendre des excrémens qui participent à leurs qualités.

Lorsqu’on observe une abeille occupée à travaillera ses alvéoles, on voit sa tête se contourner, ses dents se désunir, & sa langue, par ses inflexions, aider à sortir la liqueur qui est dans la bouche : elle paroît alors sous la forme d’une liqueur mousseuse, ou d’écume blanche, que la langue qui fait l’office d’une truelle, applique aux endroits ou elle est nécessaire, & que les dents travaillent tout de suite en la battant pour l’aplatir ; elle est toujours très-blanche quand elle sort de la bouche de l’abeille, ce n’est qu’en vieillissant qu’elle devient jaune ; le miel qui est contenu dans les alvéoles, & qui est jaune lui-même, contribue à lui donner cette couleur quand elle est encore toute fraîche : mais l’éclat de sa première blancheur est encore plus altéré par le séjour que font les vers dans les cellules, & par les vapeurs de la ruche qui sont toujours très-considérables.


Section IV.

De quels usages est aux abeilles, la grande quantité de Cire brute quelles amassent ?

Nous venons de remarquer que les abeilles emploient la poussière des étamines des fleurs, à faire la cire dont elles se servent pour bâtir leurs édifices : mais de toute cette matière qu’elles apportent en grande quantité dans leur ruche, une très-petite partie est convertie en vraie cire : ainsi que le miel, la cire brute sert de nourriture aux abeilles dans les temps de disette où elles ne trouvent pas de quoi vivre dans la campagne. Les anciens, suivant le langage de leurs poètes la nommoient l’ambroisie des abeilles, & le miel leur nectar : Pline est du sentiment qu’elles s’en nourrissent lorsqu’elles travaillent. Dans la Hollande, la Flandre, le Brabant, elle n’a pas d’autre nom que celui de pain des abeilles. Swammerdam assure qu’il est contre toute vraisemblance qu’elles prennent une nourriture aussi solide ; cela n’est point étonnant, puisqu’il dit qu’elles n’ont ni bouche ni gosier, ni enfin d’autre organe pour le passage des alimens, que la trompe. M. de Réaumur, qui a découvert les organes par lesquels les alimens passent dans leur estomac, & que Swammerdam ne connoissoit point, a fait l’expérience la plus décisive, pour démontrer que les abeilles se nourrissent de cire brute,