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elles ne se sont liquéfiées. Qu’on sorte la cire brute des alvéoles où elle est renfermée depuis six à sept mois, & imbibée de miel ; qu’on la pétrisse, qu’on lui fasse subir les épreuves du feu, elle ne sera pas plus fusible, ni ductile que celle qu’apportent journellement les abeilles. Il ne leur suffit donc point de pétrir la cire brute avec leurs pattes, pour la convertir en vraie cire.

On observe que les petites pelotes qu’apportent les abeilles, & qui sont attachées à leurs jambes postérieures, sont de diverses couleurs, suivant les différentes espèces de fleurs sur lesquelles est ramassée cette poussière des étamines dont elle est formée : cette diversité de couleurs peut encore être remarquée dans la cire brute qu’on sort des alvéoles, quoique d’une manière moins sensible. La cire, au contraire, a constamment une couleur uniforme : quand elle sort du laboratoire de l’abeille, elle est toujours d’un très-beau blanc, & en jaunissant, à mesure qu’elle vieillit, elle conserve l’uniformité de couleur. Si les abeilles n’y apportoient pas d’autre préparation que celle de la pétrir & de la broyer, sa couleur seroit bigarrée, c’est-à-dire, un mélange de plusieurs couleurs réunies, dont le résultat ne seroit jamais un beau blanc, tel qu’elle l’a au sortir de l’estomac de l’abeille.

Un essaim qui part, & qu’on place tout de suite dans une ruche, y commence d’abord les premières ébauches d’un gâteau, souvent même à l’arbre où on l’a pris ; cependant aucune des abeilles dont l’essaim est composé, ne porte de pelote de cire à ses jambes, à moins qu’il n’y en ait quelqu’une de celles qui retournoient de la provision, lorsque l’essaim est parti, & qui ait été entraînée par le tumulte qui s’est fait au moment du départ ; & leur provision apparente n’est jamais capable de fournir les matériaux nécessaires qu’emploie dans un jour un essaim pour bâtir un gâteau de dix-sept à dix-huit pouces de long, sur quatre ou cinq de large, sans qu’il soit sorti pour aller à la récolte : c’est ce qu’on peut observer soi-même en tenant renfermé un essaim pendant vingt-quatre heures, immédiatement après l’avoir placé dans une ruche. Qu’on sorte enfin brusquement des abeilles de leur habitation pour les placer dans une autre, dans la saison qu’elles travaillent en cire : ne s’attendant point à ce délogement précipité, elles ne pourront certainement pas se pourvoir & emporter à leurs pattes de petites pelotes de cire qu’on ne leur donne pas le temps de préparer : cependant elles seront à peine dans leur nouvelle habitation qu’elles y travailleront, & commenceront un gâteau. Qu’on ouvre leur estomac, on le trouvera rempli de cire sous la forme d’une liqueur un peu épaisse ; souvent les globules de poussière auront encore leur première figure : il est aisé de s’en convaincre, en les observant avec une forte loupe.

Pour peu qu’on ait observé des abeilles avec attention, lorsqu’elles construisent leurs alvéoles, on est convaincu que la cire qu’elles emploient, sort de leur bouche en forme de liqueur mousseuse ou d’écume très-blanche. Il n’est donc point possible de croire que la cire brute soit conduite dans leur estomac, comme un aliment dont l’excédent de ce qui a servi au renouvellement de leur subs-