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pommes qui sont de la même classe, & qui doivent être pilées dans le même temps. Quant à celles qui se trouvent dans les terres labourables, & qui sont exposées aux bestiaux, on envoie tous les matins, pendant les mois de septembre & d’octobre, ramasser ce qui est tombé pendant la nuit. On les pile de bonne heure, pour en faire du petit cidre, parce que la plupart sont verreuses. Lorsque le fruit des arbres est suffisamment mûr, on fait la cueillette générale, en secouant & gaulant les branches, pour le faire tomber. C’est alors qu’il y a bien du bois brisé, & que l’arbre souffre ; mais il est impossible de parer à cet inconvénient.

Cette impossibilité ne me paroît pas aussi réelle qu’à M. de Chambray. Rien n’empêche que le fruit ne soit recueilli par des femmes, des enfans montés sur des échelles d’engin. (Voyez la gravure qui représente les outils du jardinage, au mot Jardin. Faites-en en bois de saule ou de peuplier ; elles sont très-légères : en les promenant tout autour des arbres, on feroit la cueillette, sans casser un seul bouton à fruit pour l’année prochaine. Il y auroit tout au plus à gauler la sommité des branches, & une personne, placée dans l’intérieur de la tête de l’arbre, rempliroit cette fonction. C’est ainsi que travaillent ceux qui veulent en même temps se procurer de la bonne huile, & ménager les oliviers. Toutes les olives sont cueillies à la main, quoiqu’infiniment plus petites que les pommes : il en est ainsi des feuilles de mûrier. Le problème se réduit à ceci : La petite dépense occasionnée par la cueillette des pommes à la main, seroit-elle compensée par le produit des boutons à fruit que l'on ménageroit ? Je ne suis pas à même de le résoudre : je prie ceux qui feront des essais en ce genre, de me communiquer leurs observations. Revenons à notre objet. Les pommes ainsi cueillies, continue M. de Chambray, on les porte dans les bâtimens qui leur sont destinés : on peut les mettre sur l’herbe, dans un lieu clos, proche le pressoir ; elles y mûriront bien, l’air ne les endommagera pas ni les pluies : il n’y auroit à craindre qu’une gelée trop forte ; une pomme gelée ne donne jamais du bon cidre. On s’en garantira, si on les couvre de feuilles ; elles conservent parfaitement les pommes. On ne doit piler les pommes que lorsqu’elles sont bien mûres. On connoît la maturité à leur couleur jaune, à la bonne odeur qu’elles répandent, & enfin, lorsque quelques-unes commencent à pourrir : c’est-là ce qui indique le vrai degré de maturité. Je le répète, je pense que l’on ne devroit pas mettre sous le pressoir les pommes pourries, & qu’on doit les séparer des autres. Tout fruit pourri est un fruit décomposé, qui éprouve une nouvelle manière d’être dans ses principes. La partie sucrée, il est vrai, n'a pas entièrement disparu ; mais la majeure partie de l’air fixe, le seul lien des corps, & leur conservateur, n’existe plus dans ce fruit.

II. Du choix des espèces de pommes. On doit réunir ensemble toutes les espèces de pommes analogues entr’elles, soit pour la qualité, soit pour la maturité. Sans cette attention, l’on porteroit au pressoir des pommes, dont les unes seroient encore vertes, tandis que les autres seroient pourries, & il n’en résulteroit qu’une très-