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ils exposent ces claies au soleil. Deux ou trois jours après, on les porte dans un four à demi-chaud ; opération qu’on réitère jusqu’à ce que les tronçons soient secs. Pour lors, on les renferme dans du papier, afin de les soustraire à l’humidité. Lorsqu’on veut s’en servir, on les fait revenir dans l’eau tiède pendant quelques heures, & cuire ensuite à l’eau bouillante, pour recevoir l’assaisonnement convenable.

Les habitans de quelques montagnes du Forez, coupent perpendiculairement la pomme des choux cabus en six ou huit parties, suivant sa grosseur, les jettent, pendant quelques minutes, dans l’eau bouillante, les en retirent, les laissent égoutter, enfin les plongent dans le vinaigre, qu’ils ont soin de changer de temps à autre, surtout dans le commencement, & y ajoutent un peu de sel. Il est certain que ces deux préparations seroient très-utiles sur mer pour les voyages d’un long cours. La première réunit l’agréable & l’utile, & la seconde seroit un remède excellent contre le scorbut.

Le chou de Strasbourg ou d’Allemagne sert à la préparation du saurkraut, en allemand, ou saur-kraut, en anglois ; ce qui veut dire chou aigre. Depuis que le célèbre & trop infortuné Capitaine Cook a publié la relation de son Voyage autour du monde, on ne doute plus, & même il est démontré jusqu’à l’évidence, que ce chou préparé fournit un aliment très-sain, mais encore un des meilleurs anti-scorbutiques connus. On sait que cet illustre navigateur, accompagné de cent dix-huit hommes, a fait un voyage de trois ans & dix jours dans tous les climats, depuis le cinquante-deuxième degré du nord, jusqu’au soixante-onzième du sud, sans perdre un seul homme de maladie. Quel exemple à proposer à ceux qui commandent sur mer ! Puissent-ils l’imiter !

Je pense que la majeure partie de nos provinces maritimes, ou celles qui leur sont limitrophes, pourraient s’adonner à la culture de cette espèce de chou, & en préparer des provisions pour la marine. Nos provinces méridionales sont les seules, peut-être, qui seroient privées de cet avantage : mais, comme elles tirent des bœufs salés d’Irlande pour le service de la marine, elles tireroient également du Havre, de Brest, de Rochefort le saur-krout : voici la manière dont le Capitaine Cook l’a fait préparer.

On prend des têtes de choux, qu’on hache, & qu’on met ensuite dans une espèce de caisse, qui s’avance peu à peu sur une machine semblable à celles dont on se sert pour couper les concombres en tranches. Les taillans de fer qui coupent les choux en tranches, ont de douze à dix-huit pouces de longueur. Tandis que la caiss est tirée en avant & en arrière sur cette machine, il faut presser doucement les têtes de choux, & y en mettre de temps en temps de nouvelles. Les choux se découpent en tranches minces, & tombent dans un grand trou qui aboutit à la machine. Il y a des personnes qui mettent dans ces tranches de chou, du sel & des graines de carvi ; (Voyez ce mot) & d’autres, du sel & de la graine de genièvre. On les bat dans un tonneau, ou dans une cuve dont on a défoncé le haut, jusqu’à ce qu’elles donnent du jus.