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qu’une chaleur de soixante degrés, soutenue pendant dix heures, est capable de dessécher les chenilles, les chrysalides, les papillons, au point non-seulement de les faire mourir, mais de les rendre friables, sans que le blé perde, par cette chaleur excessive, la faculté de germer. Quand on a lieu de craindre que les blés soient attaqués des chenilles, il ne faut pas attendre long-temps pour les mettre dans le four, autrement on éprouveroit une perte considérable.


CHAPITRE III.

Dégâts des Chenilles, de leurs ennemis, et comment on peut parvenir à les détruire.


Article premier.

Des dommages que les Chenilles causent aux arbres & aux plantes.


La chenille est l’insecte le plus destructeur que nous connoissions ; elle est le fléau des jardins, des vergers, des forêts. Il y a très-peu d’arbres & de plantes que les chenilles n’attaquent, & ne dépouillent de leurs feuilles, quand elles sont en grand nombre. Elles sont si communes pendant certaines années, que très-peu de plantes échappent aux dégâts qu’elles font. En rongeant les feuilles des arbres, elles les réduisent dans un état si triste, qu’il ne diffère point de celui où nous les voyons en hiver ; avec cette différence, que la perte de leurs feuilles, dans cette saison, ne leur cause aucun dommage, ne nuit point à leur végétation ; au-lieu qu’au printemps, en été, ils languissent, & souffrent d’en être dépouillés. Quand les chenilles ont dévoré la verdure d’un arbre, elles ne l’abandonnent pas toujours, quoiqu’il semble ne plus leur offrir de quoi vivre ; elles attendent la seconde poussée, pour ronger les bourgeons. Il y a des espèces qui l’abandonnent, pour aller chercher de quoi vivre ailleurs. Un arbre attaqué par les chenilles, en est tellement fatigué, que souvent il arrive qu’il meurt l’année suivante.

Parmi les animaux de la plus grande espèce, on n’a pas d’exemple d’une voracité qu’on puisse comparer à celle des chenilles. Il n’en est aucune qui ne mange, dans l’espace de vingt-quatre heures, plus pesant de feuilles qu’elle ; quelques-unes mangent au-delà du double de leur poids. Quand elles approchent du terme de leur métamorphose en chrysalide, il semble qu’elles se préparent à supporter la diète qu’elles seront obligées de faire, en redoublant de voracité ; il est étonnant combien elles mangent alors. Le ver à soie, par exemple, a un si grand appétit avant de faire son cocon, qu’on a bien de la peine à lui fournir de la feuille ; on ne lui en a pas plutôt donné qu’il faut recommencer.

Quoique toutes les chenilles, en général, soient le fléau des végétaux, il faut cependant avouer qu’elles ne sont pas toutes également nuisibles aux arbres & aux plantes : il y a des espèces si peu multipliées, que l’on peut regarder comme nuls les dégâts qu’elles font ; d’autres vivent sur certaines plantes que nous sommes peu intéressés à conserver ; mais malheureusement il y a des espèces dont nous avons si fort à nous plaindre, & qui causent tant de dommages aux