Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins velues : le corps de plusieurs espèces est garni de pointes pareilles à des épines ; il y en a quelques-unes où le poil est distribué de manière qu’il forme des aigrettes, des brosses, des houppes : d’autres ont la peau raboteuse ou chagrinée : quelques-unes ont une corne recourbée vers l’extrémité de leur corps. Toutes les chenilles, qui ont depuis huit jusqu’à seize jambes, subissent une métamorphose qui les change en papillons : celles qui ont plus de seize jambes se changent en mouches : on les appelle pour cet effet fausses chenilles.

La manière de vivre des chenilles en est presque aussi variée que leurs espèces. Il y en a qui aiment à vivre seules dans la retraite qu’elles choisissent ; d’autres se plaisent ensemble & forment des sociétés. On trouve des espèces qui vivent dans la terre, dans l’intérieur des plantes, dans les troncs d’arbres, dans leurs racines. Le plus grand nombre se plaît sur les feuilles, les arbres, les plantes : à portée des alimens qui leur sont nécessaires, elles n’ont d’autres précautions pour se garantir des injures du mauvais temps, que de se cacher sous les feuilles, sous les branches, jusqu’à ce qu’elles puissent reparoître sans danger. Quelques-unes, pour se mettre en sureté, roulent des feuilles pour se retirer dans la cavité formée par les plis ; d’autres, d’une très-petite espèce, habitent & vivent dans l’intérieur même des feuilles, où elles ne sont point apperçues des ennemis qu’elles ont à craindre. Il y en a qui, pour mieux tromper leurs ennemis, se forment exactement une maisonnette en forme de tuyau, qui les rend invisibles, & les accompagne par-tout.


CHAPITRE II.

De quelques espèces de Chenilles qu’il est important de connoître,
à cause des ravages qu’elles font.


Article premier.

Chenille commune.


La chenille commune est une de celles qui vivent en société, & qui, par cette raison, fait les plus grands ravages aux arbres sur lesquels elle vit. On lui a donné le nom de commune, parce que c’est une espèce qui paroît presque tous les ans en assez grand nombre. Elle multiplie tellement, que chaque année on peut en voir deux générations, lorsqu’on néglige de les détruire. Chaque papillon femelle pond jusqu’à trois ou quatre cents œufs, d’où sortent autant de chenilles, qui multiplient dans la même progression ; de sorte qu’une seule peut être dans une année la mère de plus d’un million d’individus de son espèce. Cette prodigieuse fécondité prouve la nécessité de veiller à la destruction de ces insectes, capables de ravager tous nos arbres. On sera peut-être étonné de cette prodigieuse fécondité, & on demandera à quoi elle sert. Si l’Auteur de la nature n’avoit considéré que l’homme dans la formation de l’univers, il est constant que les chenilles auroient été superflues dans la création ; mais on doit observer que le nombre de chaque insecte est proportionné à celui des individus qu’il doit nourrir. La chenille, la mouche ne sont donc pas inutiles, puisqu’elles servent d’aliment à tous les oiseaux