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à peu près égale. On relève ensuite de la terre tout autour des tas, pour former comme autant de bassins ; & cette terre qui forme les côtés, doit avoir un pied d’épaisseur ; enfin, on recouvre le tas de chaux avec un demi-pied épais de terre, en forme de dôme : la chaux s’use sous cette terre ; elle s’éteint, se réduit en poussière ; elle augmente de volume, & la couverture se fend. Si on laissoit subsister ces fentes sans les réparer, la pluie qui s’insinueroit dedans, réduiroit la chaux en pâte, & alors elle se mêleroit mal avec la terre, ou elle formeroit une espèce de mortier, qui ne seroit plus propre au dessein qu’on se propose. Les fermiers ont donc un grand soin de visiter de temps en temps les tas de chaux, pour faire refermer ces fentes : il y en a qui se contentent de comprimer le dessus des tas avec le dos d’une pelle ; mais cette pratique est sujette à un inconvénient, car si la chaux est en pâte dans l’intérieur des tas, on la corroie par cette opération, & on la rend moins propre à être mêlée avec la terre ; c’est pour cela qu’il est mieux de fermer les fentes avec de nouvelle terre que l’on prend autour des tas, & que l’on jette sur le sommet. »

« Lorsque la chaux est bien éteinte, & qu’elle est réduite en poudre, on la recoupe avec des pelles ; on la mêle le mieux qu’il est possible avec la terre qui la recouvroit ; & enfin on la rassemble en tas, pour la laisser exposée à l’air pendant six semaines ou deux mois ; car alors les pluies ne lui font point de tort. »

« Vers le milieu de juin, on répand ce mélange de chaux & de terre, sur les terres défrichées ou brisées : on la prend par pellées que l’on distribue en petits tas dans toute l’étendue de chaque perche, & l’on remarque que ces petites masses excitent plus favorablement la végétation, que si l’on répandoit ce mêlange uniquement dans chaque champ, & l’on ne s’embarrasse pas qu’il se trouve de petits intervalles entre chaque pellée. On laboure ensuite à demeure, en piquant beaucoup, c’est-à-dire, que c’est le dernier labour donné avant d’ensemencer ; puis, vers la fin de juin, on répand la semence, & on l’enterre à la herse ; alors, s’il reste encore des mottes, on les brise avec la herse. »

« La chaux seule employée dans la quantité dont on vient de parler, est dispendieuse ; car trente-deux boisseaux de chaux coûtent en basse-Normandie vingt livres sur le fourneau : il faut ajouter à cette dépense, les frais de voiture. On prétend qu’il seroit dangereux de mettre deux fois de suite de la chaux toute pure dans une même terre ; ainsi, quand un champ a été amélioré avec de la chaux, on mêle la chaux avec le fumier. Après la première préparation, le champ est destiné à recevoir le froment pour l’année suivante. »

« D’après les méthodes suivies, soit en Normandie, soit ailleurs, on voit qu’il faut de grands préparatifs & de sages précautions, avant d’employer la chaux ; & si j’étois dans le cas d’adopter l’une des deux méthodes ci-dessus décrites, je préférerois celle des environs de Bayeux, quoique la main-d’œuvre soit plus forte. Que faut-il donc penser de ces faiseurs de livres, qui, sans restriction aucune, vantent l’usage de