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renfermer ces vingt septiers, on forme un sac d’une bonne toile grise, qui est ouvert par les deux bouts : avant que d’y mettre les châtaignes sèches, on fait tremper ce sac dans l’eau, où l’on a fait bouillir du son ; afin de donner à la toile plus de souplesse. »

« L’un des deux hommes tient le sac par un bout, pendant que l’autre le remplit de châtaignes sèches, avec une mesure connue. On le lie par les deux extrémités, & après l’avoir placé sur le banc, ils frappent tous deux avec des bâtons, cinquante ou soixante coups. Ils brisent ainsi l’écorce extérieure, & détachent en même temps la peau intérieure qui mettoit à couvert la substance farineuse de la châtaigne. Un des hommes ouvre le sac, tire les châtaignes battues, & les met dans un van que l’autre présente. Il les agite & les vanne, & par cette opération il sépare celles qui ne sont pas encore dépouillées de leur peau d’avec celles qui en ont le moins retenu : on remet les premières dans le sac pour être battues de nouveau. Il est nécessaire de tremper, de temps à autre, le sac dans l’eau, sans quoi il seroit déchiré par les battages. »

« On laisse quelques jours en tas les châtaignes, après qu’elles ont été dépouillées de leur peau ; ensuite on les remet dans le sac : enfin on les vanne, on les trie, & on met à part celles qui sont marchandes. »

« Comme il tombe une certaine quantité de châtaignes dans la poussière formée des débris de l’écorce extérieure & de la pellicule, on a soin de les en tirer. Cette poussière se nomme brisat. Ce brisat sert à engraisser les bestiaux, parce qu’outre la pellicule, il contient des morceaux de la substance des châtaignes. »

« Une claie ou batille, telle qu’on l’a décrite, est très-propre à l’éducation des vers à soie qu’on place sur la grille, lorsqu’ils sont sortis de la troisième mue ou même de la seconde. En faisant un feu convenable par-dessus, on parvient à donner à tout l’intérieur du bâtiment, une chaleur qui va jusqu’au dix-huitième & vingtième degré du thermomètre de Réaumur. »

« Quoiqu’on ait l’habitude de faire sécher une certaine quantité de châtaignes dans les principaux domaines du Limosin, cependant il manque à cette pratique tant de circonstances essentielles, qu’on est bien éloigné d’en tirer tout ce qu’il seroit possible d’en attendre, puisque toute la pratique des habitans de cette contrée se réduit à étendre sur une claie fort grossière, des châtaignes, à les exposer à l’action de la fumée, & à les garder lorsqu’elles sont sèches avec leur écorce & leur pellicule. »

« Les châtaignes, ainsi gardées, acquièrent une couleur noirâtre, & deviennent mollasses lorsqu’on les fait cuire ; la plupart ont un goût d’empyreume très-marqué, au lieu que ce fruit, préparé suivant les procédés des Cévennes, se conserve très-ferme ; & après la cuisson, il a un petit goût sucré assez agréable, & presqu’aussi bon que celui dont on vient de faire la récolte. »

« La châtaigne, dans l’état de parfaite dessiccation où la méthode des Cévennes l’a amenée, peut se conserver non-seulement pendant tout l’hiver, mais encore d’une année à l’autre, sans rien perdre de sa bonté.