a pensé que cette diversité d’opinions & d’usages, pouvoit venir de ce qu’en effet les eaux courantes sont toujours préférables dans certains cas, & de ce que, dans d’autres cas, ce sont toujours les eaux dormantes qui méritent la préférence. Dans les années froides & pluvieuses, la plante doit être foible & plus herbacée. Dans les années de sécheresse, le chanvre doit être plus fort, mais en même-temps plus dur & plus ligneux. Pourquoi se flatter que les mêmes eaux appliquées à des productions si différentes, produiront un effet aussi avantageux sur les unes que sur les autres ? »
» Pour écarter toute incertitude à cet égard, on a fait arracher du chanvre dans différens endroits de la province, & on l’a pris en différens états. L’un avoit été recueilli avant la maturité, l’autre dans le temps de la maturité même, & le troisième, plusieurs jours après. Chacun des paquets de ces trois espèces de chanvre fut divisé en deux parties égales, dont l’une fut mise rouir dans l’eau courante & l’autre dans l’eau dormante. Ils furent ensuite peignés avec très-grand soin, & examinés avec la plus scrupuleuse attention par une personne qui connoît parfaitement les défauts & les bonnes qualités de cette matière. »
» 1o. On a remarqué une différence sensible entre le chanvre arraché dans les trois états dont on a parlé. 2o. Tous ceux qui ont été rouis dans des eaux courantes, sont sans comparaison plus blancs que ceux de même qualité qu’on a rouis dans des eaux dormantes. 3o. Les paquets arrachés avant la maturité sont ceux qui ont acquis le plus haut degré de blancheur. 4o. Les chanvres les plus blancs, ont donné moins de déchet total, en rassemblant celui de chaque préparation en particulier ; mais ceux qui avoient roui dans des eaux dormantes, ont fourni une plus grande quantité du premier brin, & les grands déchets n’ont portés que sur les préparations inférieures. 5o. Les chanvres qu’on avoit jugés les meilleurs avant d’être peignés, ne se sont pas toujours soutenus dans la préparation du peigneur. Ceux qu’on avoit d’abord regardés comme médiocres & même inférieurs, se sont trouvés les plus beaux & les meilleurs après avoir été peignés. Cette observation est importante sur-tout pour la corderie. »
La Société devroit pousser plus loin ses expériences & faire fabriquer des toiles avec les fils séparés & tirés de ces différens chanvres : on auroit alors un résultat complet, & on sauroit définitivement à quoi s’en tenir.
Pour rouir le chanvre à l’eau, soit dormante, soit courante, il doit auparavant avoir été javelé ou bottelé, & chaque javelle assujettie par deux liens, l’un placé près de l’endroit des racines, & l’autre aux deux tiers de la longueur de la javelle : quelques brins de chanvre forment les ligatures. Dans beaucoup d’endroits, on se contente d’un seul lien placé dans le milieu de la javelle ; mais souvent il se détache, soit en la plaçant dans l’eau, soit en la retirant, & l’on perd du temps à la renouer ou à debarrasser les tiges mêlées dans les autres javelles.