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labour ; c’est-à-dire, qu’en commençant par le côté où l’on a fini la première fois, on comble, en ouvrant la première raie, celle qui étoit restée à découvert ; c’est ce qu’on appelle servir d’enréageure. L’enréageure est donc une raie profonde, dans laquelle on verse la terre de la raie qu’on forme actuellement, d’où vient le mot de réage, qui signifie la longueur d’une pièce suivant la direction des raies. Ainsi quand on dit au bout du réage, cela signifie au bout de la pièce : quand on dit un long réage, cela s’entend d’une pièce de terre qui est longue dans le sens des raies.

Quand on veut labourer avec la charrue à versoir fixe, il faut labourer successivement les deux rives d’une pièce de terre ; c’est-à-dire, qu’après avoir fait une raie d’un côté, on va tout de suite en tracer une autre au côté opposé : si on continuoit les raies à la même rive où l’on a commencé la première, celle-ci resteroit sans être comblée ; le versoir étant toujours à la droite, à mesure qu’on traceroit la seconde, la terre seroit renversée par conséquent à droite, & la première ne seroit point comblée : la seconde le seroit par la troisième raie. Ainsi, sur trois il y en auroit toujours une qui seroit vide. Avec cette espèce de charrue, le laboureur commence sa première raie à la rive droite d’une pièce de terre ; il va ensuite tracer la seconde à la rive gauche, pour revenir après à la droite. Je suppose qu’on veuille labourer la pièce de terre ABCD, (Fig. 17 Planc. 3.) Le laboureur prend l’enréageure en A, pour faire la raie AB ; quand il est au bout, il appuie sur les manches de la charrue pour soulever le soc, & il dirige l’attelage en C, pour tracer la raie CD : arrivé au bout, il vient en E, pour tracer la raie EF, d’où il va ensuite en G ; il continue le labour de cette façon, en traçant une raie d’un côté, ensuite une autre au côté opposé : il finit son labour au milieu de la pièce de terre, où il y a nécessairement une raie qui n’est point comblée : quand elle se trouve parfaitement au milieu, elle peut, si l’on veut, servir d’enréageure au second labour.

Le réage, ou la direction des raies, dépend de la position du terrein. Quand une pièce de terre est en plaine, on donne au labour le réage qu’on veut, c’est-à-dire, on commence les raies, ou en longueur ou en largeur de la pièce de terre ; mais si elle est située sur la pente d’un coteau, le laboureur n’est plus libre de prendre le réage selon sa fantaisie ; il faut qu’il se conforme nécessairement à la position du terrein. Dans cette circonstance il n’entame jamais une pièce de terre du haut en bas, il ne viendroit pas à bout de la labourer, pour peu que la pente fût considérable : l’attelage auroit une peine infinie à remonter ; l’ouvrage demanderoit beaucoup plus de temps, & les bêtes courroient des risques continuels par les efforts qu’elles seroient obligées de faire pour vaincre les trop grandes résistances qu’elles trouveroient dans un travail de cette espèce. Dans la supposition qu’on parvînt à labourer une pièce de terre en pente, en prenant le réage de bas en haut, on feroit une culture au détriment du sol : l’eau des pluies