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CHAPITRE II.

De la manière de conduire la Charrue pour labourer les terres.

L’égalité du labour, la profondeur du sillon, le renversement de la terre sens dessus dessous, dépendent de la manière de conduire & de gouverner la charrue. On fait un labour égal, lorsque toutes les raies que trace le soc, sont parallèles & qu’elles ont la même profondeur. Quand la terre est bien remuée, que la superficie est renversée parfaitement, le labour a ce degré de perfection qu’exige l’agriculture.

Le laboureur doit connoître l’espèce de charrue dont il se sert, & la qualité des terres qu’il cultive. Cette connoissance est nécessaire pour gouverner la charrue, de façon à donner à un terrein la culture qui lui convient. Avant d’entamer une pièce de terre, il arrange sa charrue, comme elle doit être pour prendre une entrure convenable à la qualité du terrein qu’il veut labourer : pour cet effet, il place l’âge sur l’avant-train à la hauteur où il faut qu’elle soit pour donner au soc l’entrure qu’on désire : c’est-à-dire, que s’il veut que son labour soit profond, l’âge doit être peu avancée sur l’avant-train, parce que l’ouverture de l’angle que forme l’âge avec la superficie du terrein étant plus petite, le soc prend plus d’entrure ou s’enfonce plus avant. Au contraire, s’il ne veut faire qu’un labour peu profond, il avance l’âge sur l’avant-train ; l’angle étant plus ouvert, le soc ne fouille point la terre à autant de profondeur que quand il l’est moins, parce que en élevant l’âge, on élève aussi le soc. À mesure qu’on trace la première raie, on s’apperçoit si on a trop élevé l’âge, ou pas assez. Lorsque la charrue n’a point d’avant-train, on élève ou on abaisse l’âge en enfonçant dans la mortoise où entre son tenon, les coins qui l’assujettissent : pour l’élever on donne quelques coups de maillet sur le coin qui est en dessous, laissant celui de dessus sans être serré ; pour l’abaisser au contraire, on frappe celui de dessus pour l’enfoncer assez avant afin de ramener l’âge en bas.

Cette disposition étant faite, le laboureur entame sa pièce de terre, & commence la première raie en soulevant & appuyant en même temps sur les manches, de manière que l’effort qu’il fait soit dirigé en avant, afin de forcer le soc à piquer. Dès qu’il est entré, à mesure que la charrue avance, il juge s’il fouille la terre à la profondeur qu’il veut ; s’il n’est point entré assez avant, il arrête sa charrue pour lui faire prendre plus d’entrure, en reculant l’âge de dessus l’avant-train ; de même qu’il l’avance, si l’entrure est trop forte. Lorsque la charrue pique de la quantité qu’il désire, il cesse d’appuyer ; il s’occupe alors à diriger le soc en droite ligne, en tenant toujours le manche de la charrue, afin qu’il ne s’écarte ni à droite ni à gauche, en raison des obstacles qu’il peut rencontrer, qui le détourneroient nécessairement, s’il n’étoit point assujetti dans sa direction par cette espèce de gouvernail.

Quoique la charrue ait bien pris