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il seroit alors difficile de gouverner la charrue comme il faut : le labour seroit inégal, étant fait avec trop de précipitation. Quand on veut exercer de jeunes chevaux ou de jeunes mulets ou de jeunes bœufs, au labourage, on les attele avec d’autres qui sont bien accoutumés à tirer la charrue : ceux-ci qui sont faits au tirage, modèrent, par leur marche réglée, la trop grande vivacité des autres, qu’il seroit difficile de retenir s’ils étoient attelés avec d’autres de la même humeur.

Il y a plus d’avantage à faire tirer les bêtes d’attelage deux à deux, que de les faire tirer à la queue les unes des autres, non-seulement pour mettre à profit tout l’effort qu’elles peuvent faire, relativement à la résistance qu’il faut vaincre, mais encore par rapport au conducteur, & à la perfection du labour. 1o. Quand les chevaux tirent deux à deux, le conducteur fatigue moins à gouverner sa charrue, parce que l’attelage tirant également, il n’y a pas de ces secousses qui dérangent la direction du soc, & diminuent ou augmentent l’entrure. 2o. Quand l’attelage est bien exercé, un seul charretier peut conduire quatre bêtes attelées deux à deux : étant toutes sous sa main, le moindre signe les fait avancer & tourner quand il faut : il n’a pas besoin d’un second qui marche à côté des premières bêtes pour les exciter & les faire tourner ; ce qui est absolument nécessaire quand elles sont à la queue les unes des autres, les premières se trouvant trop éloignées de celui qui gouverne la charrue. 3o. La culture est plus uniforme, toutes les raies sont également larges & profondes, parce que l’entrure du soc continue à être uniforme à cause de l’égalité du tirage.

Quand on attèle plusieurs bêtes à la queue les unes des autres ; outre qu’il faut employer deux hommes à chaque charrue, ce qui est un objet de dépense ; il est plus difficile de les faire tourner quand on est arrivé au bout de la raie : il est rare que les terres limitrophes de celle qu’on laboure, ne soient endommagées, si elles sont ensemencées, par les pieds des chevaux, qu’on ne peut se dispenser d’y faire passer quand l’attelage est trop long : d’ailleurs, l’effort qu’il faut faire pour vaincre la résistance qu’oppose la pression de la terre à la charrue, est toujours peu supporté par les premières bêtes du tirage ; celle qui est au timon a presque le double de peine, en raison de la négligence des autres. Cette manière d’atteler les chevaux à la suite les uns des autres, ne convient que dans la culture des terres qu’on est obligé de labourer quand elles sont bien détrempées par la pluie ; dans cette circonstance la terre est moins pétrie & battue quand l’attelage est en file. Si l’on veut cultiver la terre qui est entre des rangées de plantes, afin d’en approcher davantage on met les bêtes de tirage à la queue les unes des autres ; c’est assez l’usage dans les pays où la vigne est en treillage, séparée par des bandes de terre ; sans cette méthode on n’approcheroit point assez de la vigne pour remuer la terre autour des seps.