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d’inde, l’ormeau, le tilleul ? Le plaisir de forcer la nature. Le jardinier a voulu montrer son intelligence à manier le croissant, les ciseaux, & dans ses mains, les arbres ont formé un couvert taillé symétriquement sur une forme quarrée ; la naissance des branches a dessiné un grand ceintre, le tronc de l’arbre la colonne qui supporte tout l’édifice. La fureur a été portée si loin, qu’on a fini par tailler en éventail les peupliers d’Italie plantés dans les avenues, tandis que la seule beauté de cet arbre consiste à présenter une pyramide bien proportionnée sur sa largeur & sur sa hauteur. Ces tours de force des jardiniers, si je puis m’exprimer ainsi, frappent au premier coup d’œil, non par la beauté réelle des arbres, mais par la difficulté vaincue ; mais la nature se venge bientôt des outrages qu’on lui fait, en répandant à pleines mains l’ennui sous ces voûtes symétriques. Veut-on se promener ? il faut sortir du parc, des avenues, & gagner les chemins tortueux de la simple campagne. Rien de si triste que ces avenues monotones & que ces lignes droites à perte de vue. Cependant comme je dois parler & de l’agriculture utile, & de celle qu’on est convenu d’appeller agriculture d’agrément, je vais indiquer les arbres susceptibles d’être placés dans les avenues, & de la manière de les planter.

1. Des espèces d’arbres convenables pour les avenues. Le climat & la nature du terrain décident les espèces d’arbres à choisir par préférence. On peut distinguer trois climats en France : celui sous lequel la vigne ne sauroit croître, tel est celui de la Flandres, de l’Artois, d’une partie de la Picardie, de la Bretagne, & de toute la Normandie ; le second, est le climat des vignes, & le troisième, celui des vignes & des oliviers ; on pourroit à la rigueur ajouter un quatrième, celui des orangers.

Dans le premier, l’orme ou ormeau, le frêne, le tilleul, le marronnier d’inde, le chêne, le hêtre, le forbier, y réussiront très-bien ; mais si avec raison vous préférez l’utile, plantez des pommiers à cidre, des poiriers pour le poiré, des cerisiers, &c.

Dans le second, l’orme, le noyer, le frêne, l’alisier, le néflier, le tilleul, le platane d’occident, le sycomore ou érable blanc, le chêne, le hêtre, le châtaignier, le noyer, le mûrier, tous les arbres fruitiers à pepins, l’abricotier, le prunier, le cerisier, qui s’élèveront à une plus grande hauteur, à mesure qu’on approchera du midi. Les arbres d’agrément sont les mêmes que ceux du premier climat.

Dans le troisième, l’olivier, le mûrier, le figuier qui y forme à la longue un bel effet ; le chêne verd, même le chêne liège, le noyer, l’alisier, l’ormeau, le marronnier d’inde, le platane d’orient & d’occident, le sycomore & même le jujubier ; enfin l’ormeau qui réussit très-bien dans tous les climats de France. On tenteroit vainement d’y planter le tilleul.

Si le terrain est humide, le saule, l’aune, toutes les espèces de peupliers ; l’ypréaux ou peuplier blanc, réussit aussi-bien dans le bas Languedoc que dans la Flandres ; les peupliers d’Italie y deviennent monstrueux par leur grosseur ; le peuplier noir ou peuplier commun est dans