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sans écorce ; que le bois en devient bien plus dur, & qu’on se sert de l’aubier comme du cœur.

M. de Buffon a démontré jusqu’à l’évidence la vérité de ces faits. En 1733, le 3 mai, il fit écorcer sur pied quatre chênes d’environ trente à quarante pieds de hauteur, & de cinq à six pieds de pourtour, très-vigoureux, bien en séve, & âgés d’environ soixante-dix ans. Il fit enlever l’écorce depuis le sommet de la tige jusqu’au pied de l’arbre avec une serpe ; cette opération est très-aisée, l’écorce se séparant très-facilement du corps de l’arbre dans le tems de la séve. Ces chênes étoient de l’espèce commune dans les forêts qui portent le plus gros gland. Quand ils furent entièrement dépouillés de leur écorce, il fit abattre quatre autres chênes de la même espèce, dans le même terrain & aussi semblables aux premiers qu’il put les trouver. Il en fit encore abattre six & écorcer six autres. Les six arbres abattus furent conduits sous un hangar pour pouvoir sécher dans leur écorce & les comparer avec ceux qui en étoient dépouillés. Les arbres écorcés moururent successivement dans l’espace de trois ans. Dès la première année, M. de Buffon fit abattre, le 26 d’août, un de ces arbres morts. La coignée ne pouvoit l’entamer qu’avec peine. L’aubier se trouva sec, & le cœur du bois, humide & plein de séve, ce qui, sans doute, fut cause que le cœur parut moins dur que l’aubier. Tous les autres, au contraire, parfaitement desséchés, offrirent un aubier très-dur, & le cœur encore plus dur. Il fit scier tous ces arbres en pièces de quatorze pieds de longueur qui lui fournirent chacune une solive de même hauteur sur six pouces très-juste d’équarrissage. Il en fit rompre quatre de chaque espèce, afin de reconnoître leur force, & d’être bien assuré de la grande différence qu’il y trouva d’abord.

La solive tirée du corps de l’arbre qui avoit péri le premier après l’écorcement, pesoit 141 livres ; elle se trouva la moins forte de toutes, & rompit sous 7 940 livres.

Celle de l’arbre en écorce qu’il lui compara, pesoit 234 livres ; elle rompit sous 7 320 livres.

La solive du second arbre écorcé, pesoit 149 livres ; elle plia plus que la première, & rompit sous la charge de 8 362 livres.

Celle de l’arbre en écorce qu’il lui compara, pesoit 236 livres ; elle rompit sous la charge de 7 385 livres.

La solive d’un arbre écorcé qu’on avoit laissé exprès à l’injure du tems, pesoit 258 livres, & plia encore plus que la seconde, & ne rompit que sous 8 926 livres.

Celle de l’arbre en écorce qu’il lui compara, pesoit 239 livres, & rompit sous 7 420 livres.

Enfin la solive de l’arbre écorcé qui fut toujours jugé le meilleur, & qui mourut le plus tard, se trouva en effet peser 263 livres & porta avant que de rompre 9 046 livres.

La solive de l’arbre en écorce qu’il lui compara, pesoit 238 liv. & rompit sous 7 500 livres.

Les autres arbres se trouvèrent défectueux & ne servirent pas.

On voit déjà par ces épreuves, que le bois écorcé & séché sur pied,