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meneroit trop loin, & appartient plus particulièrement à l’article de la formation des couches ligneuses. (Voyez ce mot)

Si dans le tems de la séve l’on coupe un chêne, ou que dans les mois de Mai, Juin, Juillet, Août, on examine les souches de ces arbres qui ont été abattus dans l’automne ou l’hiver précédent, on voit sortir la séve, comme de sources abondantes, de tous les points de l’aubier ; elle ne paroît pas sortir de la surface du bois dur. Il est donc constant, d’après cette observation, que la séve monte & descend à travers l’aubier plutôt qu’à travers le bois dur. Il ne faut pas cependant croire que les principaux canaux qui servent à conduire la séve, ne se trouvent que dans l’aubier : ils existent dans le bois dur, puisque ce bois dur a lui-même été aubier quelques années auparavant ; mais ils y sont trop resserrés, desséchés & obstrués pour lui laisser un libre passage. Les couches ligneuses, plus écartées les unes des autres dans l’aubier que dans le bois dur, laissent les vaisseaux & les utricules dilatés au point nécessaire pour la circulation ; & l’état de l’aubier, rare, spongieux & élastique, la facilite singulièrement. C’est de cette mollesse & de cette flexibilité que dépend la vie du sujet ; car dès qu’elle cesse, que la rigidité s’empare des fibres ligneuses, que le desséchement devient général dans la couche, que la séve se condense dans les canaux & les utricules, l’endurcissement se forme, cette couche de bois meurt en quelque façon, & cette mort apparente la conduit à sa perfection, puisqu’elle la fait passer de l’état de bois tendre ou aubier, à celui de bois dur.

C’est à toutes ces causes réunies qu’il faut attribuer l’endurcissement progressif des couches de l’aubier. Cet endurcissement doit aller du centre à la circonférence, parce qu’à mesure qu’il se forme une nouvelle couche entre l’écorce & le bois, cette nouvelle couche presse vers l’intérieur, & pousse au centre de proche en proche ; de plus, la séve circulant plus librement & en plus grande abondance du côté de l’écorce, tient tous les vaisseaux dans un état de vie & de santé plus parfait, au-lieu que vers le centre, son mouvement, si toutefois il existe, est très-lent. Sa marche, gênée dans son cours, & par son peu de force, & par la rigidité des canaux qu’elle parcourt, lui permet de former partout des dépôts qui les obstruent de plus en plus, & de s’y condenser tout-à-fait. À ces causes il faut encore ajouter le degré de chaleur, infiniment moindre au centre de l’arbre que vers sa circonférence ; la chaleur extérieure de l’atmosphère, celle communiquée par les rayons du soleil, rendent la circulation de la séve plus active à la circonférence ; cette augmentation de mouvement produit celui de la chaleur ; ce nouveau degré dilate les couches les plus voisines ; celles-ci ne peuvent pas s’étendre sans comprimer celles du centre, & sans y gêner absolument la circulation des fluides nourrissans. Les utricules eux-mêmes, qui forment les séparations des couches, deviennent plus étroits par les dépôts, en tous sens, des sucs dont ils sont