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plus ou moins dure, placée immédiatement après l’écorce, & qui va se terminer vers le cœur du bois, en acquérant progressivement plus de dureté ; c’est ce que l’on nomme aubier, & ce qui enveloppe le bois parfait. Il ne diffère, du vrai bois, comme nous le verrons bientôt, que par sa couleur, sa pesanteur, & sa densité.

Suivant Malphigi, le nom d’aubier lui a été donné à cause de sa couleur blanchâtre. Il est vrai que l’aubier de presque tous les arbres est blanc, & cette couleur le fait aisément distinguer du reste du bois qui a une nuance ou plus foncée ou différente. Que l’on jette un coup-d’œil sur des tronçons d’orme, de chêne, de sapin, d’ébène, de grenadille, &c, l’on sera frappé de cette différence. Cette couleur paroît lui être tellement propre, que les bois, dont la couleur est très-foncée, ne laissent pas d’avoir un aubier blanc ; l’ébène verte, dont le bois est d’un verd sombre, a l’aubier aussi blanc que celui du tilleul. C’est cette blancheur uniforme, qui a fait penser à quelques auteurs qu’il y avoit des arbres privés d’aubier ; tels que le peuplier, le tilleul, le tremble, l’aulne, le bouleau, &c. mais s’ils avoient considéré attentivement ces bois, ils auroient apperçu facilement une ceinture beaucoup plus blanche qui entoure le cœur du bois de ces arbres naturellement blancs. La dureté & la pesanteur, moindres que celles du cœur, assurent encore que la nature suit, dans l’endurcissement de ces arbres, la même marche que dans les autres.

Composé de vaisseaux lymphatiques ou fibres ligneuses, du tissu cellulaire qui, partant de la moelle, vient se perdre dans l’écorce en suivant une marche horizontale, de vaisseaux propres remplis d’une liqueur particulière, d’utricules où cette liqueur s’élabore ; enfin, de trachées par lesquelles l’air circule dans l’intérieur comme le reste du bois ; l’aubier n’en diffère donc pas essentiellement. Toutes les parties arrangées par couches, à-peu-près concentriques, autour du cœur de l’arbre, plus ou moins épaisses, paroissent & sont réellement destinées à devenir bois dur, compacte & solide, lorsque la dessiccation de la séve & le tems leur auront donné une plus grande densité.

Le but de la nature en formant l’aubier, est donc de le faire passer insensiblement à l’état de bois. Son but se remplit tous les jours, à chaque instant, à toutes les ascensions ou descentes de la séve. Chaque retour du printems voit naître une nouvelle couche solide, tandis qu’entre l’écorce & le bois il se forme une nouvelle couche d’aubier. L’homme industrieux, dont la vie trop courte ne lui donne pas le tems d’attendre la nature & de suivre sa marche insensible, a tenté d’accélérer son ouvrage & de convertir l’aubier en bois dur. Ses essais ont été couronnés d’heureux succès, & dans l’espace de deux ou trois ans, il fait ce que la nature ne fait pas dans le cours d’un siècle.

Comme nous considérons l’aubier en total, nous n’examinons pas comment il se forme couche par couche ; cette explication nous