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coup plus de chaleur pendant le jour qu’elle n’en perd pendant la nuit, il doit se faire en ce cas une augmentation très-considérable. Mais après l’équinoxe, les jours venant à diminuer & les nuits devenant beaucoup plus longues, il doit se faire une compensation ; de sorte que pendant l’hiver il s’évapore, la nuit, une plus grande quantité de chaleur de dessus la terre qu’elle n’en reçoit durant le jour : ainsi le froid doit à son tour se faire sentir. Cette vicissitude est perpétuelle d’année en année. Les étés, en général, sont à-peu-près les mêmes, ainsi que les hivers : la durée d’un vent du nord peut les rendre plus vifs, plus piquans dans une année, ou la privation des pluies laisse quelquefois accumuler des chaleurs étouffantes ; mais ces excès ne sont qu’accidentels, & sur-tout dans nos climats tempérés, les saisons sont assez semblables.

Plusieurs auteurs ont observé que la température de la France même a changé depuis une suite de siècles, & qu’elle est plus chaude à présent qu’autrefois. Si nous consultons les écrivains du commencement de l’ère chrétienne, nous y trouverons un tableau du froid ancien bien plus rigoureux que celui de nos jours. Au rapport de Diodore de Sicile & de César, les rivières des Gaules geloient tous les hivers, & la glace étoit si ferme, que non-seulement les gens de pied & à cheval y passoient, mais même des armées entières avec tous les chariots & les équipages. Quelques faits semblent aussi prouver que dans certains cantons la chaleur a diminué de nos jours, puisqu’on fait la récolte des vendanges beaucoup plus tard. Ces faits isolés ne doivent pas nous empêcher de croire qu’en général, depuis dix-huit cens ans, la température du climat de la France n’ait gagné beaucoup du côté de la chaleur ; changement qui est dû à la culture, aux défrichemens, aux abattis des forêts, aux desséchemens des étangs & des marais. Veut-on une preuve démonstrative de cette vérité ? que l’on jette un coup-d’œil sur l’Amérique : par-tout où la culture n’a pas gagné, des forêts épaisses que la lumière ne pénètre jamais, des marais que la chaleur du soleil ne peut dessécher, couvrent toute la terre, & rafraîchissent tellement l’atmosphère, que lorsqu’on est obligé d’y passer la nuit, l’on est contraint d’y allumer du feu. Dans les terrains, au contraire, que l’industrie humaine a défrichés, une température chaude, souvent un air brûlant est le seul qu’on y respire, & le plus souvent la différence de ces deux climats n’est que la distance d’une ou deux lieues. Sans sortir de la France, qui croiroit que dans les plaines de la Bresse & du Forez on n’éprouve jamais autant de chaleur que dans celles du Dauphiné, qui n’en sont distantes que de quelques lieues ? Les récoltes y sont plus tardives, la maturité y est lente, & la végétation paroît être le produit de deux climats très-éloignés.

Les positions locales, les abris, influent beaucoup sur la température de l’atmosphère. Les gorges des montagnes à l’abri du nord, éprouvent des chaleurs plus considérables en été que les plaines qu’elles avoisinent, quoique les premières soient beaucoup plus élevées. Cette augmentation est due à la concentration de la chaleur & à la répercussion des rayons lumineux par les côtes des mon-