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grande pesanteur, & trop long-tems continuée, arrête la végétation & la rend tardive. On pourroit attribuer ce dérangement à la sécheresse qui agit presque toujours en même tems que la pesanteur de l’air, si M. Duhamel n’avoit remarqué le même état de langueur dans la végétation des plantes aquatiques, qui ne manquent jamais d’être couvertes d’eau.

Les grandes chaleurs mettent les humeurs en effervescence, & les dilatent à un point, que ne pouvant être contenues dans leurs vaisseaux, elles agissent contr’eux, les distendent, & occasionnent par-là des maladies inflammatoires du sang : souvent l’hémorragie ou des transpirations très-abondantes terminent ces maladies ; souvent aussi le siège du mal se fixe dans quelque viscère particulier, où il se fait un engorgement & un dépôt. Si les chaleurs continuent, les accidens deviennent plus graves & plus dangereux ; les maux de tête, les lassitudes dans les extrémités, un abattement général, le défaut d’appétit, des accès de fièvre, de fausses fluxions de poitrine, sont les suites ordinaires de cette température ; les bains, les rafraîchissans, le changement de la constitution de l’air, les font disparoître d’elles-mêmes.

La chaleur ne paroît d’abord influer qu’en bien dans le règne végétal : plus la somme des degrés de chaleur de l’année a été grande, plus le tems de la maturité des grains est avancé, comme l’a remarqué le père Cotte. Une chaleur douce raréfie les sucs des plantes, & leur donne plus de fluidité ; elle entretient dans un état constant & naturel, la chaleur intérieure des plantes, dont l’existence, à un terme modéré, est un des principes de l’organisation végétale. Mais dès que la chaleur vient à être dépouillée de l’humidité atmosphérique ; que son degré de force repousse dans les hautes régions de l’air, les molécules aqueuses qui flottent autour des plantes ; qu’elle enlève à la terre celles qui imbibent sa surface ; enfin, qu’une sécheresse brûlante succède à une chaleur tempérée, alors tout dépérit, la transpiration insensible & sensible est plus forte que la réparation ; la plante épuisée ne sent plus circuler dans ses canaux une lymphe reproductrice ; la séve & les sucs desséchés, & réduits à un moindre volume, fermentent & s’aigrissent ; une mort prompte suit bientôt cet état de langueur. (Voyez Chaleur, Sécheresse.)

Tous les excès sont nuisibles & ont des suites fâcheuses. Autant un froid léger, dans la saison, est-il favorable à la santé animale & végétale, autant est-il dangereux lorsqu’il est porté à un certain point, qu’il est de longue durée, ou qu’il règne dans un tems où une douce chaleur devroit être la seule température de l’atmosphère. Des épaississemens de la lymphe, des fluxions de poitrine, des catarres, des toux longues & fatigantes, des grippes, des douleurs d’entrailles, &c. affligent les hommes qui y sont exposés, ou qui en sont subitement frappés. Dans le fort de l’hiver, le froid de l’atmosphère ne fait pas autant de ravages dans l’économie végétale ; mais rien n’est