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vent être ceux où la chaleur s’accumule le plus & s’évapore le moins. Les vastes déserts de l’Asie & de l’Afrique sont toujours brûlans, parce que la rareté de l’eau & des rivières est cause qu’il n’y a presque aucune évaporation ; au contraire, l’Amérique, presque par-tout couverte d’eau & de forêts, est moins brûlée sous la même latitude que les contrées arides & découvertes de l’Afrique & de l’Asie. Dans nos contrées mêmes, cette différence devient sensible à chaque pas ; Les plaines fort étendues qui ne sont coupées ni par des étangs ni par des rivières, qui ne sont ombragées par aucun arbre, comme celles de la Beauce, les pays crayeux de la Champagne, les landes de la Gascogne, &c. &c. sont perpétuellement brûlées par les ardeurs de l’été, tandis que les plaines voisines, arrosées par des eaux abondantes ou des marécages, tempèrent l’air échauffé par une évaporation bénigne & continuelle.

Il paroîtroit naturel que ce fût au solstice d’été, tems où le soleil est plus long-tems sur notre horizon, pour nos climats, que les plus grandes chaleurs devroient se faire sentir ; mais si l’on fait attention que la chaleur actuelle est toujours la somme de la chaleur passée jointe à la chaleur présente, on concevra que la chaleur des mois de Juillet & d’Août doit être composée de celle que la terre a acquise par l’approche du soleil vers le solstice en Mai & Juin, & par son retour de ce point d’élévation en Juillet & Août. De plus, la terre desséchée en Mai & Juin, par l’évaporation continuelle dans ces deux mois, ne contient plus assez d’humidité pour fournir à l’évaporation nécessaire qui doit contre-balancer les chaleurs de Juillet & d’Août, jusqu’à ce que par des pluies ou des rosées abondantes elle ait acquis de quoi faire au moins équilibre. Il en est de la terre, en général, comme de tout autre corps en particulier que l’on échauffe dans le feu, & que l’on en retire ensuite : il conserve long-tems la chaleur qu’il y avoit acquise, quoiqu’il n’y soit plus exposé. Les corps ne commencent à se refroidir que lorsque la chaleur qu’ils avoient commence à s’évaporer. Mais si un corps est toujours plus échauffé qu’il ne perd de sa chaleur, ou s’il en perd bien moins qu’il n’en acquiert, alors il doit recevoir continuellement une nouvelle augmentation de chaleur ; & c’est précisément le cas de la terre en été. Une supposition va rendre ceci plus intelligible. (Si nous nous arrêtons un peu sur cet article, c’est que la solution de ce problême est très-intéressante à tout cultivateur.) Supposons, par exemple, que dans les grands jours de l’été, pendant tout l’intervalle de tems que le soleil est au-dessus de notre horizon, la terre, & l’air qui l’environne, reçoivent cent degrés de chaleur, mais que pendant la nuit, qui est environ de moitié plus courte que le jour, il s’en évapore cinquante ; il restera encore cinquante degrés de chaleur. Le jour suivant, le soleil agissant presqu’avec la même force, en communiquera à-peu-près cent autres, dont il s’en perdra encore environ cinquante pendant la nuit. Ainsi, au commencement du troisième jour, la terre aura cent ou presque cent degrés de chaleur : d’où il s’ensuit que puisqu’elle acquiert alors beau-