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ront facilement à l’observateur intelligent.


§ II. Différence entre la chaleur directe du soleil comparée à celle de l’ombre.

Les rayons directs du soleil produisent donc & occasionnent des degrés de chaleur assez sensibles, & qui peuvent devenir quelquefois dangereux ; mais sont-ils aussi différens de l’état de l’atmosphère à l’ombre qu’on l’imagine ordinairement, & la chaleur directe du soleil, comparée à celle de l’ombre, est-elle due uniquement aux rayons lumineux ? Cette question, plus importante qu’on ne pense, & dont la solution peut devenir très-avantageuse dans la pratique de l’agriculture, mérite d’être discutée. Ordinairement on dit que la chaleur que l’on éprouve au soleil est infiniment plus considérable que celle que l’on éprouve à l’ombre ; & l’on a raison jusque-là, mais on attribue cette différence uniquement à la chaleur des rayons solaires qui ne sont pas dans l’ombre, & c’est ici que l’on se trompe. Ne cherchant qu’à trouver cette différence, & à la spécifier, M. le président Bon fit à Montpellier, en 1737, quelques expériences qui l’induisirent en erreur, puisqu’elles le porterent à conclure que la chaleur du soleil en été, fait monter ordinairement la liqueur du thermomètre de M. de Réaumur à une hauteur double de celle qu’un pareil thermomètre marque à l’ombre, en comptant du point de la congélation. Cette différence, suivant ce savant, est encore bien plus considérable en hiver puisque la chaleur du soleil est exprimée par un nombre de degrés au moins triple, & quelquefois même sextuple de celui que le thermomètre marque à l’ombre. Il paroît que M. Bon n’avoit pas isolé son thermomètre, & qu’il étoit échauffé par la réflexion des rayons solaires renvoyés ou par la terre, ou par le mur contre lequel son thermomètre étoit fixé. M. Bonnet de Genève a répété les mêmes expériences, mais avec cette sagacité, cette attention & cette exactitude qu’on lui connoît, & les résultats ont été bien différens. Il se servit de thermomètres de mercure bien calibrés & bien purgés d’air. Le tube étoit appliqué sur une planche de sapin, de façon cependant que la boule débordoit la planchette de huit à dix lignes, ce qui l’isoloit parfaitement, & l’empêchoit de participer le moins possible à la chaleur que contracte le bois. Il établit ces thermomètres aux deux faces opposées d’un grand if ; les uns étoient exposés au midi & au soleil direct, les autres au nord & à l’ombre. Cette expérience dura depuis le 17 Juillet jusqu’au 13 Août, & le résultat en fut, que le 23 Juillet le thermomètre placé à l’ombre se tenoit cinq degrés plus bas que celui qui étoit exposé au soleil, & que le 12 Août la différence entre les deux thermomètres alloit jusqu’à six degrés. Cependant M. Bonnet, instruit que de bons observateurs n’avoient trouvé de différence que de deux à trois degrés, conclut que malgré ses précautions pour isoler ses thermomètres, la chaleur de l’if se faisoit encore sentir au thermomètre exposé au midi ; il recommença ses expériences, en isolant absolument un thermomètre exposé au soleil, & alors la différence ne se trouva que de deux à trois degrés au plus. On sent donc facilement que la chaleur directe du soleil en été, ne diffère que