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corps qu’elle touche : la chaleur des rayons du soleil passe donc dans l’intérieur du corps noir, se communique à chacune de ses parties, & les échauffe enfin, jusqu’à ce que le tout ait acquis le même degré de chaleur qu’ils avoient eux-mêmes. Le blanc au contraire bien loin de se laisser pénétrer par les rayons lumineux, les repousse & les réfléchit. Comme cette réflexion se fait en-dehors du corps, celui-ci n’acquiert pas le même degré de chaleur, & il paroît souvent frais, en comparaison des corps qui l’environnent, & sur-tout de la portion de l’air ambiant qui est échauffé, non-seulement par les rayons lumineux qui le traversent, mais encore par ceux que le corps blanc réfléchit.

Si à cette première raison on ajoute celle qui est tirée de la matière colorante du corps, la difficulté du phénomène disparoîtra, & on l’entendra plus facilement. Toutes les couleurs sombres, sur-tout les noires, sont dues aux métaux, soit dans les substances naturelles, soit dans les corps colorés artificiellement. Le noir des étoffes n’est que du fer très-divisé dans la couperose, & précipité & fixé sur la laine par la noix de galle ou toute autre décoction astringente ; les verts, les bleus sont dûs au cuivre, au fer, ou à des fécules de plantes qui ne doivent elles-mêmes leurs couleurs qu’à ces substances métalliques. Plus les corps sont denses & solides, plus ils s’échauffent vîte & fortement. Ainsi les métaux qui colorent les différens corps exposés au soleil, influent pour beaucoup dans leur facilité à s’échauffer : ceux qui en contiennent le plus, s’échauffent davantage que ceux qui en contiennent moins, du point du tout.

Après l’explication de ce phénomène, tâchons d’en tirer quelqu’utilité, & disons, comme M. Franklin dans une lettre à Miss Stevenson, en parlant de cette même observation ; à quoi bon la philosophie, si on ne l’applique à quelqu’usage ? On doit conclure que les habits noirs ne conviennent pas autant que les blancs dans un climat, ou dans un tems chaud & au soleil, parce que, lorsqu’on marche à l’ardeur du soleil avec de tels habits, le corps s’échauffe beaucoup plus facilement, & ce redoublement de chaleur peut être la cause de fièvres putrides & dangereuses. En général à la campagne, où l’on s’expose souvent au soleil, on devroit être habillé de blanc ; les chapeaux d’été, tant pour hommes que pour femmes, devroient être de la même couleur ; ils repousseroient la chaleur, préviendroient les maux de tête & les coups de soleil toujours très-dangereux : un chapeau noir, recouvert d’une calotte de papier blanc, produiroit le même effet. L’application de ce principe a été portée plus loin ; & en Angleterre où l’on ne néglige rien de ce qui peut avoir une utilité directe, le Lord Leicester a fait noircir les murs de ses jardins avec beaucoup de succès, pour ce qui concerne la garantie des jeunes fruits contre le danger des gelées printanières. En effet, les espaliers étant noircis, reçoivent assez de chaleur pendant le jour pour en conserver une partie pendant la nuit, & entretenir autour des jeunes fruits, une douce température qui les défende de la gelée. Que d’heureuses applications on pourroit faire de ce principe ! Les circonstances, les tems, les lieux les indique-