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dans un grand vase ouvert, couvrez-le bien, afin que la liqueur ne s’évente pas. Lorsque la fermentation est achevée, prenez une quantité de ces merises & de leur suc, que vous jetterez dans un alambic (voyez ce mot) garni de toutes ses pièces. Ayez l’attention de ne pas le remplir, & de laisser un demi-pied de vide. Vous verserez pour la première fois sur les merises mises dans l’alambic, une pinte ou une pinte & demie d’eau de merise distillée, & mêlez le tout exactement. Si on repasse par une seconde distillation la liqueur qu’on obtiendra dans la première, cette addition est inutile ; le kirsch-wasser en sera plus fort.

Commencez par donner un feu doux, modéré & par degré, & ayez soin de remuer de tems en tems toute la masse avec un bâton, afin que le marc ne s’attache pas au fond. Lorsque la masse annonce les premiers bouillonnemens, couvrez la chaudière de l’alambic de son chapiteau, armez-le de son serpentin, de son réfrigérant, & ayez grand soin que son eau soit fraîche & jamais chaude ; renouvelez-la lorsqu’elle commencera à s’échauffer. La plus grande attention à avoir, est de ne pas presser le feu. Si la distillation coule trop vite ou trop fort, c’est une marque qu’il y a trop de feu, & la liqueur sentira l’empireume. Elle doit couler goutte à goutte. Tant que la liqueur sera claire comme l’eau de roche, ce sera une preuve que la distillation de la bonne liqueur n’est pas à sa fin ; mais dès qu’elle paraîtra louche, changez aussi-tôt de récipient, & recevez dans un autre ce qui continuera à distiller. Prenez garde cependant que cette liqueur louche ne contracte le goût de feu ou de brûlé qui ne se perd jamais. Conservez cette eau louche pour une seconde distillation, & vous distillerez jusqu’à ce que vous n’ayez plus de fruit fermenté.

Celui qui desirera la perfection du kirsch-wasser, fera très-bien de distiller au bain-marie, (voyez Distillation) la liqueur n’aura jamais aucun mauvais goût, & on ne craindra pas de brûler l’alambic, ni de gâter la liqueur en poussant le feu.

Plusieurs distillateurs de kirsch-wasser n’ont point de réfrigérant sur le chapiteau de l’alambic, ni même de serpentin, mais un simple tuyau qui s’adapte au bec de l’alambic, & traverse un tonneau ou tel autre vaisseau rempli d’eau : il n’est donc pas étonnant que la plus grande partie de cette liqueur qu’on vend dans le commerce, ait un goût de feu. À Grasse en Provence, les distillateurs d’eau de senteur, &c. ont un filet d’eau froide qui passe perpétuellement par le réfrigérant. Mais consultez ce que j’ai dit au mot Alambic, en parlant des réfrigérans.

Presque tout le marasquin du commerce est fait avec le kirsch-wasser mêlé avec une quantité proportionnée d’eau ordinaire & de sucre.

J’ignore la composition du marasquin de Zara, presqu’île de la Dalmatie. Le nom de marasquin vient de marasque, qui est le nom donné par les italiens à une cerise acide, ou griotte. Mais cette cerise est-elle la même que celle dont on se sert à Zara ? Ce qui prouveroit le contraire, c’est la différence des deux qualités de marasquins. Les vénitiens ont fait tout ce qu’ils ont pu pour perfectionner leur marasquin, mais celui de Zara mérite la préférence à tous égards.

Dans les pépinières de Montbard,