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rées en place du cens, à condition de l’hommage, de l’obligation du service militaire, &c. Eux-mêmes en conférant à des personnes de leur rang, & quelquefois de leur famille, une portion d’héritage, en exigèrent une prestation d’hommage & de services pareils à ceux qu’ils rendoient de leur côté ; & ce fut ainsi que se formèrent les fiefs.

Que si, contraints par la nécessité d’exploiter des fonds qui, sans cela, seroient restés en friche, ils étoient obligés d’y appeler des cultivateurs, ils se réservoient des redevances telles qu’encore aujourd’hui on en paie aux seigneurs divers, sous le nom de censives.

De cette introduction historique, qui fonde le principe, « que le cens est le prix de la concession originaire du fonds », on tire plusieurs conséquences : la première, que le cens est une dette réelle, qu’on ne doit qu’autant qu’on est possesseur de l’héritage sur lequel il est assis ; la deuxième, que le possesseur actuel ne peut pas céder ce fonds à un autre, moyennant un nouveau cens. S’il le fait, on n’appelle plus cens cette seconde redevance, mais rente foncière, cens-mort, sur-cens, gros-cens ; dont la nature est telle que si, par le droit de sa directe, l’héritage revient au seigneur, le sur-cens s’éteint dans sa main.

La troisième conséquence est, que toutes les fois que le tenancier vend un héritage censuel, il doit au seigneur des lods & ventes.

La quatrième conséquence est, qu’à moins d’une stipulation expresse contraire, il faut le porter au manoir de celui qui en est créancier. Ainsi, dès que le cens n’est pas dit quérable, il est portable.

Le cens est généralement imprescriptible. Cependant, selon Expilly & Salvaing, il se prescrit en Dauphiné par cent ans.

Il se prescrit de même dans les provinces de Bresse & de Bugey.

Suivant la coutume d’Artois, le vassal peut prescrire toutes sortes de redevances contre son seigneur.

Les coutumes du Bourbonnois, de l’Auvergne & de la Marche, soumettent le cens à la prescription de trente ans.

Les arrérages du cens en général, ne sont sujets qu’à cette dernière prescription de trente ans.

Cependant encore il y a sur cet article une foule d’exceptions. Un édit de Charles-Emmanuel, duc de Savoie, lequel s’observe dans les provinces de Bresse, Bugey, Valromey & Gex, veut que les arrérages de cens se prescrivent par cinq ans, s’il n’existe une demande faite en justice.

La coutume de Bourbonnois dit : « qu’arrérages de cens & autres devoirs portant directe seigneurie, se prescrivent par dix ans. » Art. 18.

La coutume d’Auvergne, art. 7, dit : « que les arrérages de cens ou rente annuelle ne se peuvent demander que de trois ans ; si ce n’est qu’il y ait des poursuites des années précédentes. »

Pour se faire payer les arrérages du cens, le seigneur peut, selon la coutume de Paris, procéder à la saisie-brandon des frits de l’héritage sur lequel le cens lui est dû[1]. Art. 74.

  1. Brandon est un bâton entouré de paille que l’huissier plante en plusieurs endroits du champ, pour marquer qu’il en a saisi les fruits.