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mable fournit un sel alcali ; mais ce sel diffère par sa base, par son mélange avec d’autres sels, par sa cristallisation, enfin par sa plus ou moins grande pureté. Il y a plus : la même plante cultivée sur les bords de la mer, ou dans l’intérieur du royaume, produit deux sels alcalis très-distincts par leur base, & en plus grande quantité. La soude, ou kali, en est une preuve : la soude donne l’alcali le plus déterminé, d’où l’on a tiré le mot d’alcali. M. Duhamel a reconnu 1o. que la soude cultivée dans le Gatinois, & loin de la mer, tient une espèce de milieu entre les plantes maritimes & celles qui naissent naturellement dans nos provinces, puisque le kali du Gatinois a donné, outre l’alcali qui lui est propre, un autre alcali tout semblable à celui du tartre, tel que le donnent les plantes naturelles de ce canton : d’où il suit que le terrain d’une part, & de l’autre, la nature des plantes concourent à la formation des différens sels qu’on retire des végétaux par la combustion. La même différence est sensible, si on examine les cendres, par exemple, d’un chêne qui a végété dans un terrain humide & au nord, & d’un chêne semblable placé dans un terrain sec & situé au midi.

La manière de brûler les végétaux concourt encore à augmenter ou à diminuer la quantité de sel alcali qui doit se trouver dans la cendre. Si la substance inflammable a brûlé dans un grand courant d’air, si la flamme a été vive & soutenue, le sel sera moins abondant ; si au contraire le feu a été étouffé, si l’ignition a été sans flamme bien apparente, le produit du sel sera presque du double. On voit que ces observations ne sont pas indifférentes à ceux qui s’occupent à faire du salin, & sur-tout à ceux qui l’achètent, soit pour l’employer dans les champs, sur les prés, soit pour l’usage des arts, comme les verreries, les nitrières artificielles, &c.

Il résulte des expériences de M. de Morveau, que les cendres de bois sont presque toutes de la pierre calcaire réduite à l’état de chaux, & que c’est à cet état de chaux qu’est dû le principe salin ou alcalin.

Voici comment il s’explique : « que l’on prenne la quantité que l’on voudra de cendres neuves, par exemple, une livre ; que l’on fasse passer dessus assez d’eau chaude pour en épuiser les sels, ce sera alors de la cendre lessivée, il est bien évident que celle qui a servi aux lessives domestiques, ne peut rien contenir de plus, puisque tout ce qui étoit soluble par l’eau a été de même entraîné. »

» Si on jette cette cendre lessivée dans l’eau forte, il se fera à l’instant une violente effervescence, la cendre sera dissoute presqu’entièrement. Il ne restera sur le filtre que quatre gros, soixante-six grains, partie de silex, partie d’argile colorée par une portion infiniment petite de fer. »

» Veut-on s’assurer que ce qui a été dissous par l’eau-forte, soit véritablement de la chaux & de la terre calcaire ? on n’a qu’à jeter dans la dissolution de l’acide vitriolique, il se formera aussi-tôt de la sélénite, c’est-à-dire, un sel vitriolique calcaire de la nature du gypse ou pierre à plâtre qui, ne pouvant se dissoudre que dans cinq cens fois son poids d’eau, se précipitera en forme de poudre blanche. Cette poudre pesant dix-huit onces deux gros & soixante